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10/09/2021

Les reconversions, exacerbation du clivage gauche droite

Cette semaine, le baromètre annuel IPSOS soulignait que les notions de "droite" et de "gauche" sont reconnues comme importantes et segmentantes à leur plus haut niveau depuis cinq ans. Passé le mirage de bouillasse intellectuelle du "dépassement des clivages", le macronisme étant quasi unanimement reconnu comme de droite, les camps se reforment. Les oppositions entre mondialistes et patriotes, progressistes et conservateurs, populistes et technocrates agitent le Landernau, mais vient toujours un moment où l'on interroge le côté de la barricade : aider la Sociale ou le Capital. 

C'est une litote de dire que la gauche au pouvoir récemment a déçu. Même la droite de Balladur n'aurait pas osé le CICE, la loi travail ou la loi Macron, sans parler de la casse de l'hôpital public. C'est la faute de ces traîtres, le triumvirat Hollande Valls Cazeneuve, si la gauche a disparu des radars à un moment et qu'elle a perdu la confiance de nombre d'électeur.ices. Et ça s'entend. 

La reconversion de Benoît Hamon hier à la tête de l'ONG Singa, qui agit en faveur des personnes réfugiées, rappelle quand même la vivacité, la pertinence du clivage. Pour celles et ceux qui ne sont plus politicien.nes à vie, la nature de la reconversion jette une lumière crue sur la vraie nature des personnes.

Hamon fait suite à Duflot chez Oxfam, à Emmanuelle Cosse partie dans le logement social. Des postes exécutifs, à responsabilité, où la rémunération est tout à fait correcte, mais à des années lumières de ce qu'ielles pourraient gagner en monnayant leur influence. Or, c'est précisément ce que font nombre d'ex politiques. Le livre "les voraces" du journaliste Vincent Jauvert détaille ses allers-retours publics privés, où l'on monnaye son carnet d'adresses plutôt que ses talents et convictions ... Une grande part de la Hollandie a recyclé son influence dans le privé : Guillaume Bachelay chez Decaux, Mathias Fekl chez les Brasseurs de France, Estelle Grellier chez Saur etc etc... Une grande part de la Macronie fait le chemin inverse en arrivant dans le public pour rincer leurs potes du privé comme ceux cités avant, ou Pannier Runacher et autres. Dans les deux cas, elles et ils ne vendent que de l'influence, du carnet d'adresse. Pas de l'expertise. On peut ajouter Henri Pitron, ex conseiller de Touraine vendue à Doctolib, Grégoire Kopp passé du cabinet des Transports au lobbying d'Uber et Benjamin Griveaux qui s'est reconverti dans le conseil aux groupes privés et start up. On peut aussi rajouter Renaud Dutreil chez LVMH, Sébastien Proto passé du cab d'Eric Woerth à la direction de la Société Générale et une liste si longue que j'en suis plus épuisé que Sisyphe par avance... 

Un même passé professionnel, des mêmes compétences. Certain.es vont chercher des causes pour faire progresser ce qu'ils ont échoué à faire advenir en tant qu'élu.e. D'autres vont chercher l'argent qui les faisait rêver avant. Difficile de faire plus clair comme clivage. 

 

 

05/09/2021

Est-ce qu'on peut parler d'écologie ?

Ce cri du coeur poussé par Delphine Batho lors de la première du débat entre écologistes trahit quand même un vrai problème de fond : nos journalistes stars ne s'intéressent pas assez à ces enjeux. St Criq et Bensaïd, Snegaroff, Fressoz, soit France Inter, Info et Le Monde accueillaient les cinq candidats à la primaire écolo et sont revenus à plusieurs reprises sur les crop tops, le voile et autres faits divers au motif que "vous vous présentez aussi à la présidence et c'est important".

On trouve de plus en plus d'excellents reportages, papiers, enquête sur le dérèglement climatique dans ces même médias, à condition de ne surtout pas les relier à la politique. Ça devrait être disqualifiant, reconnu comme une faute professionnelle, de continuer à interroger les politiques par le petit bout de la lorgnette. 

Au milieu d'un été qui ressemblait aux prolégomènes de la fin du monde, le rapport du GIEC est venu rappeler que les méga feux californiens et du sud de l'Europe, comme les inondations monstres en Allemagne et Bénélux et l'ouragan Ida qui s'est déroulé quelques semaines après, sont tous la conséquence du dérèglement climatique à cause de l'action de l'homme.

Je vois bien pourquoi on parle de crop tops et de voile : c'est très clivant, ça crée des polémiques à la petite semaine, c'est facile de se faire un avis et de ne pas paraître ignare. Mais quand la planète sera invivable pour le genre humain, les questions de frontières, de conformité de la République avec telle ou telle tenue paraîtront un brin secondaires.

Qu'ils posent des questions sur l'avion à hydrogène, s'ils veulent, mais qu'ils posent les seules questions qui vaillent : comment adapter nos sociétés à la pente dangereuse ? Tous les déclinistes de Ciotti à Zemmour en passant par Montebourg qui déplorent que "la France n'est plus la France" sont très à l'aise pour parler de ces sujets de faits divers. Mais ils seraient bien en mal de répondre à des questions sur la France dans un monde réchauffé où notre agriculture meurt, nos cours d'eaux s'évaporent et ou, pour le coup, toute la misère du monde viendra chercher nos terres réchauffées mais encore vivable contrairement à un Moyen Orient où l'eau disparaît... 

Les sages montrent le rapport du GIEC et les imbéciles questionnent les crop top et voiles... 

29/08/2021

Lucidité des déchirures, cynisme de l'union.

S'il fallait une ultime confirmation que la gauche est condamnée à la figuration en 2022, elle est venue ce week-end où tous les candidat.es putatifs se sont insultés entre eux. Le dernier sondage donne Jadot à 11%, Hidalgo à 9%, Mélenchon 7%, Roussel 2%. Bien sûr, on peut dire que cela pèse 29% au total. Mais ça c'est en théorie. Les régionales ont rappelé qu'un éparpillement de listes de gauche au départ ne donne pas 100% de report et d'addition au second tour (Bayou en Ile de France ou Orphelin en Pays de Loire n'ont pas fait le plein). Là encore, les optimistes pointeront que les listes qui ont réalisé une large union avant le premier tour ont gagné confortablement (comme Carole Delga). Si on est moins optimistes, ou plus lucides, on réalise que les unions ne sont plus possibles : contrairement aux régionales ou vous pouvez proposer des tas de Vice-présidence et autres fromages, les accords gouvernementaux anticipés sont souvent moins francs. Parlez en aux Verts et leurs accords avec Hollande, fin 2011. 

Surtout, on le voit bien : la division enclenchée et suscitée par Macron et reprise avec la délectation d'un chat face à un canari par nombre de médias, fonctionne. "Républicaniste" contre "indigéniste", "universaliste" contre "woke", "tenants du réalisme écologique" face aux "Amish". La gauche est tombée dans le piège de la division, et joyeusement... Hier, Faure à la tribune fustigeait "les woke" et "les indigénistes" sans que l'on sache bien ce que cela veut dire, mais on comprend bien qu'il s'agit de faire chier Mélenchon plutôt que de cogner comme un sourd sur Macron et Le Pen. Roussel fait pareil en défilant avec les syndicats d'extrême droite de flics pour ne pas être "angéliste", LFI tape sur les écologistes en toc comme Jadot, Hidalgo parle de "l'irréalisme" du programme de LFI... Plus ils se tapent tout le temps dessus, moins l'union est possible. Et si, par un miracle digne d'un Disney, une seule tête sortait du chapeau, jamais ô grand jamais elle ne ferait 29%. Le niveau de ressentiment est beaucoup trop fort.

Il remonte à 2017. Il a manqué 600 000 voix à Mélenchon pour être au second tour. Hamon en a récolté 2,3 millions. Comment ne pas ressentir une forme de rage ? Bien sûr que nombre de hamonistes auraient voté Macron ou se seraient abstenus pour ne pas voter "pour un soutien d'Assad et de Maduro", je me souviens de l'ambiance. Mais on peut quand même se dire qu'une moitié lui aurait donné leur voix ce qui le mettait loin devant Fillon et Le Pen... Forcément, ça enrage. Aujourd'hui, quelle que soit la configuration, aucun candidat ne fait le plein. Les socialistes et certains verts ne voteront jamais Mélenchon, lequel ne se désistera pas mais s'il le faisait les électeurs LFI ne voteraient jamais Hidalgo ou Jadot. Seuls ces deux là peuvent encore fusionner, le reste faut oublier. La division est le symbole d'une grosse lucidité : arriver en tête pour avoir le leadership et la dynamique pour 2027. Peuvent pas viser plus.

A droite, en revanche, on voit bien le cynisme de l'union. Wauquiez et Retailleau remisent leurs ambitions personnelles car ils sentent le coup possible. Bertrand, constant, pilonne Macron et Le Pen mais n'insulte pas Pécresse ou Barnier, qui font de même. Évidemment qu'ils se haïssent, mais ils n'en disent pas un mot. Ils se souviennent des stigmates de 2016 où Fillon était "dur", Juppé "mou", Sarkozy "foutraque", ça laisse des marques. Donc ils se concentrent sur l'essentiel : ils sont tous contre l'immigration, contre l'islam, contre l'écologie punitive, tout ce que leur base adore. Ils vont bluffer jusqu'au bout et se rangeront aux sondages. Bertrand peut dire ce qu'il veut, ce maquignon sait que deux candidats LR sur la ligne de départ, c'est fini. Un seul, c'est jouable. La France a viré tellement réac et fermée ces dernières années et la grosse Bertha des médias Bolloré aidant, il faut hélas s'accorder sur le fait qu'un nombre croissant de française.s trouvent encore Macron trop timoré sur le régalien. Et comme l'élection va se jouer là dessus...