16/12/2021
"C'est qui l'a bordé ?" Anti conte de Noël
Tout est politique. Et depuis que ma fille parle, je suis mis à contribution pour répondre à toutes ses interrogations politiques. Les questions sociétales sont vraiment le plus simple, attendu que "pour un enfant, la norme c'est ce qu'il vit", m'avait dit une pédopsychiatre. Si vous grandissez avec des uniformes, dans un gynécée, ou dans une bulle en verre, cela vous paraît normal puisque vous n'avez rien connu d'autre. Ayant rencontré un enfant avec deux papas, un autre avec deux mamans, des familles ou les parents sont seul.es, ne vivent pas ensemble, elle a tout trouvé parfaitement logique. "C'est qui son papa ?". "Y a pas de papa, elle a deux mamans". "D'accord". Et ça s'arrête là, n'en déplaise au million de personnes qui ont défilé pendant quinze mois en disant que cette réforme allait dissoudre la société française...
Nombre de choses sont aisées à expliquer à un enfant, mais en l'absence de connaissances économiques, ce que je n'arrive pas à lui formuler, c'est pourquoi il existe des personnes à la rue, "sans maison" comme elle dit. Et ne pouvant expliciter la notion d'injustice, je m'en suis remis comme les Anciens au destin, à la chance. Désormais, quand nous croisons une personne à la rue, ma fille me demande invariablement "pourquoi il a pas de chance, le monsieur ?" et je ne sais quoi broder. Un soir il y a peu, il gelait à pierre fendre et l'un d'eux m'aborda à proximité du manège, d'où ma fille descendait en me sommant de racheter des tickets. Étant sorti sans carte bleue, j'avais le choix d'utiliser mes derniers euros pour des tours de manège ou un bout de chambre et soumis mon dilemme à ma fille qui me dit de "les donner au Monsieur il a pas de chance" (ce qui ne l'empêcha pas, ce dernier étant parti un peu soulagé, de me redemander des tickets de manège. Et après on s'étonne qu'on laisse filer la dette...).
Une enfant de moins de 3 ans comprend qu'on ne laisse pas les gens dormir dehors. Nos gouvernants, moins. Puisqu'ils laissent le nombre de logements vides exploser sans les réquisitionner, sans a minima taxer la vacance, puisqu'ils laissent 3,5% de propriétaires détenir 50% des logements locatifs à Paris (relisez lentement ce chiffre, c'est insane), puisqu'ils laissent mourir plusieurs centaines de personnes chaque année dans la rue, dans l'indigence.
Ce matin, en allant à la crèche nous avons vu quelqu'un dormir dans un duvet. Elle m'a demandé pourquoi on ne voyait pas sa tête. J'ai expliqué qu'iel se cachait dans le duvet pour avoir plus chaud. "C'est qui l'a bordé hier soir ?" a-t-elle voulu savoir ? Il est vraiment des questions auxquelles l'absence de réponse à de quoi désespérer...
11:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
11/12/2021
La clarification avant l'unité
Et pourquoi pas Taubira ? Bah parce que... Parce que ni Dieu, ni maître, ni sauveur.e suprême pour une gauche aujourd'hui éparpillée façon puzzle. Considérer que le seul problème aujourd'hui tient au casting, c'est être à côté de la plaque, même si la kermesse présidentielle appelle évidemment de l'identification. Le drame de la gauche c'est de ne pas avoir tenu des états généraux en septembre 2017 après avoir passé l'été à panser les plaies. Le PS aurait fait son walk of shame de son bilan honteux de 2012-2017 et ceux qui auraient fait contrition honnête pour l'infâme CICE, l'ignoble loi Macron comme El Khomri ou encore la répression policière de Nuit Debout auraient pu rester. On aurait tenu palabre et unifié les forces contre l'armée des marcheurs. Qui prenait le Trône n'était, alors, pas la question, puisqu'on en était loin. Et là, on part à l'assaut sans avoir bossé, sans avoir fourbi les armes et on voudrait savoir derrière qui se rallier ? Inepte.
Mais on devrait profiter de la séquence pour avancer avec une clarification. Plus que "qui ira ?", la priorité actuelle c'est "qui n'ira pas". La présidentielle nécessite 500 signatures, formalité pour Hidalgo, Roussel et Jadot mais galère pour les autres. Ça fait perdre du temps et une énergie précieuse à Mélenchon alors qu'il est le mieux placé. La présidentielle nécessite des millions d'euros et ce qui est donné à l'un n'est plus disponible pour les autres. La présidentielle ne rembourse lesdits millions qu'à ceux qui dépassent 5%. Montebourg, Roussel, et, soyons honnêtes, Hidalgo, sont assurés à 100% d'être en deca. Dès lors, pourquoi s'obstiner ? Leurs signatures, leur troupes militantes, leurs énergies, leur moyens financiers doivent être remis en jeu pour profiter aux deux lignes pour l'heure majoritaires à gauche. S'ils se retiraient, mécaniquement, Mélenchon et Jadot seraient au dessus de 10%, seraient débarrassés des problèmes de signatures, auraient plus de monde pour tracter, faire du porte à porte, aller chercher les abstentionnistes...
Ça redonnerait beaucoup d'élan aux forces de gauche, n'humilierait personne, redynamiserait la campagne. Roussel n'a aucune raison de se maintenir fors son envie d'emmerder Mélenchon. Ses propos sur les flics et la chasse l'ont disqualifié, il ne dépasse jamais les 2% alors que son programme fiscal et social est 100% Mélenchon compatible. Ils iront discuter du nucléaire tranquillou et Ian Brossat viendra renforcer le programme logement des Insoumis. Hidalgo n'a aucune raison de se maintenir, le PS a trop trahi et n'a jamais clarifié son positionnement. 30% des électeurs PS disent souhaiter la victoire de Macron, voilà pourquoi personne ne la sent et qu'elle ne décolle pas. Qu'elle se concentre sur Paris et que les socialistes jeunes garde, maires de grandes villes qui le veulent soutiennent Jadot.
Poutou et Arthaud sont hors compèt, hors système. Leur parole a une légitimité autre et le fait qu'ils continuent (s'ils ont les 500 parrainages) ça peut s'entendre. Mais pour les autres candidatures, rien hormis de l'ego ne justifie le maintien. Une clarification à deux lignes est à portée de main. Ensuite, libre aux candidats de faire campagne et de créer une dynamique. Alors, en mars prochain, on pourrait être dans un scénario à la Baron Noir si l'un des deux se désiste pour l'autre pour tenter le trou de souris pour le second tour.
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05/12/2021
Contester l'héritage, foutre la paix au cadavre
Hier, Pierre Rabhi est mort et contrairement à Desproges pour celle de Tino Rossi, je n'ai pas repris deux fois des moules. Car Rabhi était un adversaire, pas un ennemi. Si Zemmour venait à décéder - d'un AVC ou d'une marche ratée, hein, je suis contre la violence, bien sûr- je déboucherai la meilleure bouteille de ma cave pour fêter ça. Rien de tel hier soir.
Eu égard à l'architecture des algorithmes des réseaux sociaux, mes fils pleurent ou ricanent ce matin. Et je ne comprends pas les deux. Se moquer de la mort du mec au motif qu'il fut réac, homophobe et sans doute islamophobe, toutes choses vraies et très bien sourcées par Jean-Baptiste Malet (voir lien en com'), c'est faire ce qu'on lui a reprocher toute sa vie : avoir une toute croyance dans l'individu, pas le collectif. L'homme Rabhi est un mystique chelou, à la conversion au christianisme aussi tardive qu'émerveillée et rance (il ne crache pas sur Maurras) et obscurantiste (c'était un anti vax forcené, qui fit des conférences avec l'immonde Professeur Joyeux). Mais ça n'est pas le problème...
Après tout, Simone Veil a bien fini sa vie en défilant dans les rangs de la Manif pour Tous, mais ça n'est pas son héritage. Son héritage, c'est la loi qui porte son nom, une certaine idée de l'émancipation des femmes en politique, un goût de l'Europe... Et l'héritage de Rabhi, et il est funeste, c'est cette connerie de Colibris. Change toi toi-même, sois le changement que tu veux voir advenir et autres fadaises individualistes et indolores. Jamais de lutte, de rapport de forces, de dénonciations chez Rabhi, une mystique new age. Comme disait le syndicaliste Chico Mendes, "l'écologie sans lutte des classes, c'est du développement personnel". Pardon mais il s'est acoquiné avec Jean-Marc Borello et son nauséabond groupe SOS. C'est un ami intime de Nicolas Hulot et je vois tous mes amis de sa galaxie pleurer à chaudes larmes depuis hier. Sa sobriété heureuse, ça n'était pas de la décroissance, mais une attitude individuelle, une morale de vie, en somme. Une religion. Politiquement, Rabhi décomplexe les libéraux : en étant un consom'acteur conscient, en allant faire un peu de bénévolat dans sa ferme l'été, on rachète les pêchés polleurs de son âme comme les riches achetaient leur séjour au paradis en payant des Indulgences.
Paix à votre âme, Monsieur Rabhi, mais mort à vos Colibris qui n'ont jamais fait que diversion pendant l'incendie sans jamais tenter de l'éteindre.
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