04/10/2021
Délinquance, délinquance
Le phénomène n'est pas neuf, mais atteint des nouveaux sommets dans l'ignominie, dans la distorsion de la réalité. Shootés aux faits divers sordides, la France a de plus en plus peur. Leur place a explosé au XXIème siècle, une enquête de l'INA de 2013 pointait une augmentation de 73% en 10 ans et toutes les recensions depuis lors disent que la tendance se poursuit. Pire, elle déborde du champ des médias traditionnels d'information vers la fiction, "Laetitia" arrive sur Netflix, on attend Dupond de Ligonnès et Hondelatte et Fabrice Drouel se jouent au théâtre... Nos univers mentaux sont envahis de "monstres" de "dangers à chaque coin de rue". Peu étonnant, dès lors, que les thèmes "d'ensauvagement" de "société Orange Mécanique" pour parler comme Laurent Obertone, fonctionnent à plein. Le bloc brun médiatique de C News à Europe 1 en passant par Le Point et Valeurs Actuelles ne parle que de cela. Avec peu de chiffres. Il en est pourtant un, irréfragable, qui les contredit violemment : il y a deux fois moins d'homicides en France aujourd'hui que dans la décennie 1990. On est passé de plus de 1600 meurtres par an à environ 800 (863 en 2020). Au delà des meurtres, les violences physiques graves reculent (vols avec armes moins 8% en 2020).
Le fait est que tout le monde soit doté d'un téléphone portable et que les caméras de vidéo surveillance soient partout fait qu'une grande majorité de scènes violentes sont filmées laissant croire faussement à un déferlement. Soit. Mais dans les années 50 et 60, nous étions loin d'un ilot de joie et de sérénité, cours d'écoles incluses... Face à l'évidence, chiffres à l'appui d'une société moins violente, Gérald Darmanin sortait son "je crois plus au bon sens du boucher charcutier qu'aux études de l'INSEE". Robert Poujade n'aurait pas dit mieux. Et Zemmour, Bardella et autres Ciotti sortent aussi leurs chiffres de terrasses de PMU Magazine et du petit Observatoire et du On ne nous dit pas tout magazine pour étayer leurs thèses insanes de société meurtrière.
Dans le même temps, la délinquance financière atteint des sommets inimaginables. 11 700 milliards $ de dollars dans le monde nous dit on hier et ça ne fait pas la Une, pas d'édition spéciale. Une info comme une autre. 'Tiens, il y a 35 chefs d'État dans le lot". "Tiens, il y a Shakira et Claudia Schiffer", quelques mois après les révélations sur les fraudes massives de Messi, Ronaldo et autres Lewis Hamilton. Il y a de quoi fourbir des révolutions quand tant de dirigeants spolient le bien commun et vomir la société du spectacle quand tant d'idoles volent autant... Claudia Schiffer défilerait à 10 000$ par mois, Shakira chanterait pour la même somme et Messi pousserait son ballon pour 10 SMIC. Mais non, on ne questionne pas, on laisse leurs revenus atteindre des sommets immondes, mais toujours moins ignobles que leurs vols aux États...
Hier Bernard Tapie est mort. On n'est pas obligé de le charger, on peut se taire et le laisser mourir tranquillement. Mais comment ne pas réagir au communiqué de l'Élysée à deux doigts de la canonisation évoquant un "combattant à 1000 vies" pour un homme qui a volé 400 millions d'euros aux contribuables français et brisé la vie de milliers de familles en saccageant les entreprises qu'il rachetait. Pensez-vous qu'on a pleuré à chaudes larmes hier, chez les anciens de Manufrance, de Wonder, la Vie Claire ? Cet homme était un escroc, un délinquant multi récidiviste. Comme l'était Johnny, délinquant fiscal multi récidiviste et pédocriminel enterré en grande pompes à la Madeleine. Comme l'était Charles Aznavour, qui a caché des millions en Suisse qui eut lui aussi les honneurs de Macron. L'aveuglement pour ces délinquances n'est plus possible.
Bernard Arnault et François Pinault sont des délinquants fiscaux avérés, redressés, sanctionnés, qui ont volé des milliards aux États, aux français, aux italiens, à d'autres peuples. On ne peut pas continuer à héroïser, à parler d'aventurier et autres capitaines pour évoquer des délinquants... Si vous dites cela sur un plateau, dans un débat, on vous qualifie de populiste, vous invite à modérer votre grossièreté. C'est la réalité actuelle du monde qui est grossière pour employer une litote, dégueulasse serait plus juste.
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30/09/2021
Dissipation de la peur du fascisme
Quand ils ne sont pas obsédés par le fait de retranscrire intégralement tous les propos de Zemmour, certains grands médias marquent une pause pour essayer de comprendre pourquoi un candidat aussi ouvertement fasciste est aussi haut dans les sondages.... Et entraîne avec lui Marine le Pen qui se droitise encore. Tous les deux parlent très tranquillement du problème du "grand remplacement", et expliquent que face à un ennemi civislisationnel aussi grave, l'Europe et les juges sont nos pires boulets, qui empêchent de faire de la politique. Le fascisme ne se cache même plus : votez pour nous et nous vous débarrasserons de toutes ces tracasseries démocratiques comme les médias libre, la justice indépendante ou encore des traités continentaux vieux de quelques décennies. A eux deux réunis, le pôle fasciste décomplexé atteint 30%. Et ça ne fait peur à personne.
Personnellement, j'avoue avoir entendu le bruit des bottes en 2002, eu réellement peur qu'on rouvre les camps et je suis allé voter Chirac sans hésiter et pousser un gigantesque soulagement à l'annonce du 82%. Depuis, plus personne n'a écouté le sage conseil selon lesquels "les français.es préféreront toujours l'origine à la copie" et dix ans de Sarkozy Valls, de racaille au Kärcher, de mouton dans la baignoire, de "mets moi des white, des blancos" de déchéance de nationalité et autres ont tant normalisé les thèmes d'extrême-droite que le Pen fille est arrivée aussi au second tour. Là, déjà, je n'avais plus peur, mais aucune envie de voir ces charognards incompétents et haineux accéder au pouvoir, alors au second tour, sans enthousiasme ni illusion, j'ai voté Macron. Je n'irai plus en 2022 et je ne suis pas le seul, des millions de personnes n'ont plus peur, au point que cette fois le barrage n'est plus certain de tenir. Comment en arrive-t-on là ?
D'abord il y a la langue. Valls et Sarkozy provoquaient l'extrême droite avec quelques embardées, quelques provocs. Cet exécutif a normalisé des termes naguère employé par la seule frange des infréquentables de la fachosphère comme "islamogauchiste". Pas seulement Darmanin, mais Blanquer, Schiappa, Vidal, des ministères de l'éducation, de l'intelligence, qui parlent comme des petits nazillons. Quand Le Pen prend la parole après, ça n'est pas choquant, même Darmanin la trouve "un peu molle".
Ensuite il y a les pratiques. Les murs bâtis à la hâte devant des malades du crack, des coups de couteaux dans des tentes de fortunes de migrants, des expulsions... Le fait d'adouber les violences policières comme légitimes de dire "qu'on s'étouffe" en entant le mot... Le fait de s'incliner devant des manifs de factieux , fatalement, ça s'appelle dérouler le tapis rouge aux fascistes.
Les doses d'extrême-droite que les gouvernements successifs depuis 2017 ont été de plus en plus fortes. Loin de nous rendre malade ou de nous effrayer, ça nous a mithridatisés. Ce qui explique qu'on va tenter de réveiller le cadavre de la démocratie avec des électrochocs de propositions fascistes encore plus fortes pendant huit mois, référendum sur le peuplement, l'islam et tout le bingo de l'extrême-droite. Je doute que cela procure un grand élan de solidarité.
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25/09/2021
Fact checking, encore un effort
La candidature de Zemmour rend obsolètes les avancées récentes en matière de fact checking pendant les débats politiques. J'ai eu beau éviter d'être près d'un écran lors des deux heures de débat avec Mélenchon, la presse traditionnelle s'est faite l'écho le lendemain d'un chiffre cité par Zemmour selon laquelle nous serions victimes chaque année de "50 milliards de fraude fiscale". La responsable de la cellule fact checking demande la parole comme un arbitre de foot a recours la VAR et lui dit "nous avons trouvé un chiffre de la cour des comptes qui dit 1 milliard". Zemmour fait du Zemmour, il vitupère et noie le poisson et 30 secondes on est passé à autre chose "parce qu'il faut bien avancer". D'ailleurs Zemmour lui même dit à Mélenchon "plaçons le débat à un niveau plus élevé que les chiffres". Tout en se servant de ces derniers comme personne avant lui...
Rappelons encore une fois ce que disent Alain Supiot dans "la gouvernance par les nombres" ou Olivier Rey dans "quand le monde s'est fait nombre" : le monde est aujourd'hui si complexe que seuls les chiffres permettent de s'y retrouver et les chiffres sont évidemment malléables. Pour citer Rey : "la statistique est aujourd’hui un fait social total : elle règne sur la société, régente les institutions et domine la politique. L’éducation disparaît derrière les enquêtes PISA, l’université derrière le classement de Shanghai, les chômeurs derrière la courbe du chômage… La statistique devait refléter l’état du monde, le monde est devenu un reflet de la statistique". Et Zemmour joue de ça, de cette détestation de chiffres parfois vides de sens ou incompréhensibles pour avancer des chiffres de l'effroi. C'est une martingale de l'extrême droite, Laurent Obertone fait ça sur l'insécurité et tous leurs nervis le font sur la démographie en inventant des chiffres pour dire que dans 20 ans, les blancs seraient minoritaires en France ; ça n'est même plus une fadaise, c'est une folie.
Tout le monde joue avec les chiffres, en politique. Tout le monde. Certains parlent de 3 millions de chômeurs, car c'est le décompte Pôle Emploi, d'autres poussent jusqu'à 6 millions et le chiffre peut s'entendre aussi car il y a bien 6 millions de personnes qui ne travaille pas autant qu'elles le voudraient. On peut tordre et démonter la croissance (et son utilité), les fermetures de lits, le temps de travail réel ou encore les écarts de salaire entre femmes et hommes, selon qu'on parle à compétence égale, à diplôme égal ou dans l'absolu, en comparant des métiers incomparables, mais ce qui a le mérite de prouver que les femmes vont vers des métiers moins bien payés que les hommes. Bref, quand on joue avec les chiffres sur un ring commun, on avance, on décortique, on dissèque. On boxe.
Zemmour ne boxe pas, il catch. Comme Trump. Tout est "fake". Deux chiffres existent sur la fraude sociale : la détectée, 1 milliard d'euros et la suspectée "jusqu'à 6 milliards d'euros". L'estimation très haute de la fraude potentielle est de 6 milliards, l'équivalent de suspicion sur la fraude fiscale est de 120 milliards par an. Mais gardons 6 milliards, c'est le chiffre haut sur lequel on pourrait débattre, Zemmour dit 50 en sortant ça de nulle part et refusant de justifier, tout juste se hasarde t'il à dire qu'il y a "des millions de fausses cartes Vitale en circulation". Or, la différence la plus forte entre la fraude détectée et celle suspectée, ça ne sont pas les arnaques aux allocations ou les fausses carte Vitale, comme aime le dire Zemmour, mais les paiements en espèce et la fraude à la TVA. Et contrairement aux insinuations de Zemmour qui aime à dire que le gros de la fraude serait le fait de migrants, d'étrangers, oisifs, mais qui abuseraient de la générosité de français, elle est le fait d'actifs qui refusent les cotisations sociales, les URSSAF et la CIPAV pour financer la sécu et les communs. Il y a des artisans dans le lot, amnésiques de la CB dans leurs échoppes ou leurs menus travaux, mais aussi des dentistes et des chirurgiens qui proposent un tarif en carte et un autre, bien moins onéreux, en espèce pour les opérations non remboursées par la sécu... Et c'est moins important en nombre, mais très important en montant total.
Alors, évidemment, c'est plus long à dire, à démontrer, mais on doit monter le fact cheking chiffré d'un cran face à des affabulations, les mettre longuement face à leurs délires. C'est la même chose sur ses chiffres sur l'immigration où Zemmour inclut le premier contingent de personnes qui viennent en France chaque année, les étudiants, en oubliant de dire qu'ils repartent... Journalistes de France, encore un effort sur le fact checking si vous voulez qu'on reste républicains...
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