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24/10/2021

Alerte enlèvement : le volontarisme fiscal

La campagne avance et le temps des promesses de la part des candidat.es appelle, fatalement, la question du financement par les journalistes. Zemmour et Le Pen ont leur équation magique : moins d'immigrés = plus de services publics et de moyens pour tous. LR comme Macron ont une martingale plus proche de : baisser les impôts et enlever tout le superflu de la fonction publique (sans jamais nommer précisément les postes, évidemment) mais jamais ô grand jamais les intervieweur.euses ne lancent les impétrant.es sur l'opportunité de récupérer les 80 à 100 milliards annuels qui nous manquent au motif qu'ils dorment dans des paradis fiscaux.... 

Bien sûr, toutes et tous ne sont pas aussi ahuris, l'eurodéputée insoumise Manon Aubry ne cesse de faire campagne sur ce thème depuis des mois avec ses t-shirts "taxer les riches" arborés de Bruxelles à Paris. EELV a repris les combats victorieux en la matière de leur ancienne cheffe de file, Eva Joly, mais hormis cela, quelle morne plaine... Ce midi, la radio m'a donné à écouter Olivier Faure et il ne fait même plus semblant de faire campagne à gauche comme le PS le faisait naguère avant de gouverner au centre. Ce temps est révolu. Quand on lui demande comment il financera son ambitieux plan de développement écologique, la lutte contre la fraude n'apparaît pas. Il marmonne sans trop y croire une espèce "d'ISF climat" éhontément pompé à Jadot pour essayer de se verdir, mais pas un mot sur la fraude. Deux semaines après la publication des Pandora Papers montrait les niveaux d'ignominie atteints par la fraude fiscale, perpétrée par des politiques (dont DSK, ancien socialiste...) pas même le réflexe d'en parler. Lamentable.

Trop d'expert.es invité.es en plateau se cachent derrière la "complexité de lutter contre la fraude et l'impérieuse nécessité d'avoir ce débat au niveau mondial. Inepte. La discussion mondiale a abouti à une taxation à 15%, soit peu ou prou le taux employé par un paradis fiscal légal comme l'Irlande. En dessous de 40%, on fait de la broderie... Il n'a jamais été aussi simple de lutter contre la fraude fiscale. La comptabilité est connue comme jamais, moins de moins en d'espèces en circulation, et de plus en plus de paiement en ligne, donc datés et géo localisées instantanément. Avec un peu de volonté, et certaines villes, certains états le font, on peut savoir précisément le chiffre d'affaires de n'importe quel boîte, réalisé sur quel territoire et appliquer une fiscalité afférente. Avant le Covid, alors qu'ils étaient florissants, Airbnb payait moins de 100 000 euros par en France, nous privant de plusieurs dizaines de millions d'euros pour nos hôpitaux, nos écoles, et nos transports collectifs. Pas besoin de l'aval de l'OCDE ou même de Bruxelles pour suspendre le CICE et toute aide publique à des entreprises fraudeuses, on peut taper très fortement au portefeuille tout seul demain. C'est uniquement une affaire de volonté et celle-ci est honteusement aux abonnés absents au moment où cela urge le plus. 

13/10/2021

Banalisation de l'emploi du pluriel pour extrémismes

Ce matin, je suis tombé incidemment sur une interview de Christophe Barbier pour son nouveau média, Franc Tireur, dont le but est de "faire triompher la raison contre les extrémismes" et Barbier d'enchaîner "nous sommes en lutte, contre Marine Le Pen, contre Mélenchon, contre Zemmour, contre Sandrine Rousseau"...

Ça n'est à la fois pas neuf et différent. Jadis, Alain Minc et Hubert Védrine parlaient déjà du "cercle de la raison" pour désigner des propos politiquement acceptables, allant de la droite de la gauche à la droite tout court. Nombre de débats n'accueillaient que des personnalités issues de ces pôles, "L'esprit public" version Philippe Meyer sur France Culture en étant l'incarnation la plus absolue. Mais même chez eux, on distinguait les choses. On parlait des dérives insupportables de l'extrême-droite en des termes accablants, rappelant le danger qu'ils font peser pour la démocratie, la justice, la liberté d'expression, l'inégalité de traitement pour des millions de personnes... Alors, l'extrême-gauche, c'était la LCR et LO et on ne les disqualifiait pas plus que "ils sont un peu utopistes, ça ne marchera jamais, mais qui peut être contre le partage et la justice ?". Vision évidemment biaisée, mais à tout prendre aujourd'hui, je la prendrai volontiers.

Les propos de Barbier n'ont rien d'anodin, ils sont repris de plus en plus largement par des éditocrates et des ir-responsables politiques qui mettent dos à dos l'extrême droite la plus folle (Zemmour et sa remigration) avec Sandrine Rousseau. A propos de cette dernière, on voit à quel point la forme l'emporte sur le fond. A lire les propositions de Zemmour et Le Pen, on se pince, on hurle et on s'indigne. A contrario, la radicale de la primaire c'était Delphine Batho avec une décroissance forte. Mais Rousseau ? Sur le ton, elle parlait dru et exprimait une salutaire colère contre un ordre dominant, mais où était les mesures "radicales" ? La réduction du temps de travail, OK, mais il n'y avait pas de Guantanamo pour les maris violents, faut arrêter la fantasmagorie... 

J'espère que ceux qui sont taxés "d'extrémistes" parviendront à se sortir de cette pince de crabe, précisément, avec les armes de la raison, que revendiquent Barbier. Le programme de Mélenchon, aujourd'hui, serait jugé "social traître" par l'alliance socialo-communiste de 1981 : c'est l'explosion des inégalités et de la précarité, le recul des services publics et de la biodiversité qui furent radicales, depuis quatre décennies. Espérons qu'on puisse remettre la charrue programmatique avant les boeufs de commentateurs. 

11/10/2021

Cadrage débordement sécuritaire

Au rugby, le cadrage débordement est une feinte où l'on emmène son adversaire d'un côté avant de partir pleins gaz de l'autre. Bien fait, c'est souvent l'occasion d'une percée fulgurante, voire d'un essai.  Si la ruse est trop grossière, le défenseur ne se laisse pas embobiner et assène une mornifle à l'attaquant qui le dissuade de réitérer plus tard dans le match. Après avoir fait mine d'entendre les difficultés sociales crées par le Covid 19, l'exécutif s'engouffre à tout berzingue côté sécuritaire et, pour des raisons qui m'échappent, la ruse grossière est passée. 

Hier, une note du CREDOC a donné une réalité chiffrée alarmante : 4 millions de nouveaux vulnérables depuis 2020.  Conséquence directe de deux ans de crise, de ressources entamées, d'isolement forcé, de perspective bouchées, la note détaille une mosaïques de souffrances qui dépasse les seules finances. Mais plus personne n'en parle. Il y a un an, pourtant, l'exécutif feignait beaucoup d'empathie pour "les petits boulots" les jeunes privés de ressources, les intérimaires et autres "trous dans la raquette" du quoi qu'il en coûte. 

4 millions c'est gigantesque et pas tant que ça. La Macronie a franchement sorti le carnet de chèques pour éviter les faillites en cascade et à l'heure où le chômage partiel s'arrête, force est de reconnaître que ça n'a pas si mal marché. Nous n'avons pas les deux nouveaux millions de chômeurs ou les 20% de restaurants fermés définitivement comme évoqué pendant la crise. Les intermittents ont eu des protections, nombre d'indépendants aussi (je le dis en ayant eu un chiffre d'affaires divisé par deux et des aides de zéro zéro zéro, mais nombre de mes connaissances en ont eu, ils ne furent pas abandonnés comme aux US). Ça aurait pu être pire, donc pas tant que ça, mais les nouveaux vulnérables sont là et 4 millions c'est gigantesque.

Outre les enjeux environnementaux (et encore, dire "outre" est biaisé, c'est "en même temps" puisque la justice écologique prend en compte le rétablissement social), on ne devrait parler que de ça. Après deux ans de crise, comment ramener de l'égalité, de l'équité de traitement, pour ces 4 millions de nouveaux vulnérables et les quelques millions d'anciens ? Et les solutions ne peuvent être celles d'hier...

C'est pourtant le chemin que ça prend. Le Maire vante ses 6% de croissance pour l'année et pense que précariser les droits des chercheurs d'emplois et menacer ceux des travailleurs avec une putative réforme des retraites poussera toutes et tous les malheureux.ses vers les emplois vacants. Ça n'est pas le cas. On bat des records d'emplois vacants, de gens qui ne veulent plus se tuer à la tâche et qui ont réalisé pendant la pause Covid qu'ils ne voulaient plus continuer ainsi. 

Les patrons des métiers de l'hôtellerie restauration l'ont compris, eux. Certaines voix de leurs représentants proposent 9% d'augmentation en accord de branche et des efforts sur les horaires et la formation. Idem pour le BTP, les aides à domicile et la liste est infinie allant jusqu'aux profs (on peut moquer Hidalgo mais la proposition de doublement de salaire prouve à quel point nous sommes bas...) et aux sages femmes aux grèves trop ignorées.

Donner de nouvelles protections, des garanties de salaires, de formation et il en faudrait sur le logement avec des loyers réellement bloqués ou sur la nourriture avec une sécurité sociale alimentaire universelle pour que celles et ceux qui ne peuvent s'offrir des produits frais et bio le puissent. On en parlait, il y a un an, quand ça n'avait pas d'importance électorale. Maintenant que ça en a et que l'exécutif devrait passer un sale quart d'heure sur des thèmes avec lesquels il est si mal à l'aise, on en parle plus. On parle des prénoms compatibles avec la République, des risques pour le pays tout entier de ressembler à BAC Nord ou encore de la remigration. C'est clairement de l'anti jeu et n'est, hélas, pas sanctionné...