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11/11/2016

Vers une coffee party dans 2 ans ?

pdcoffee.jpegParmi toutes les choses étonnantes qui se passent actuellement aux Etats-Unis, les manifestations de Berkeley méritent une attention particulière : des étudiants d'une des plus prestigieuses universités du pays qui protestent, non pas contre des réformes, mais contre une élection démocratique, ça prouve le niveau d'exaspération atteint. 

On sait que la colère n'est pas bonne conseillère, mais elle a une vertu : elle prouve la vitalité du corps social. Le fait de hurler, de vitupérer, de tempêter peut déboucher sur quelque chose de positif. Les manifestants hurlent d'abord contre Trump et sa vision raciste, misogyne, bornée du monde. Veulent-ils pour autant un bon vieux retour au business as usual of the establishment ? Certainement pas.

Or, la vie politique américaine est rythmée par une binarité mid-terms/présidentielle. La prochaine grande échéance n'est pas dans 4 ans, mais dans deux seulement. Nostradamus seul (et peut être un peu Donald Trump) sait quelle sera la politique effectivement mise en place par le 45ème Président des Etats-Unis. Peut être que l'érection d'un mur entre les USA et le Mexique, l'augmentation des barrières douanières de 45% avec la Chine et autres promesses de campagne connaîtront un succès puissant. Mais le doute est permis. Admettons, simple hypothèse d'école, que tout cela foire lamentablement, que tout se disloque et que les électeurs populaires se retrouvent floués. Dans le même temps, les minorités noires et latinos qui se sont abstenues réalisent que Trump change quelque chose à leur vie. Et ce, dans des termes modérément emballants. Alors, la colère en germe à Berkeley pourrait essaimer et se répandre dans le pays, comme en 2010. Alors, une grande partie des Etats-Unis, ulcérée par l'élection d'un président noir en 2008 avait fait une percée inédite au Congrès avec leur mouvement des Tea Partys. En deux ans seulement, ces populistes ont fait exploser le GOP en le débordant sur sa droite sur des thématiques raciales et fiscales, principalement. 

Ce soulèvement bestial, primaire, primitif, dont les sondeurs et commentateurs ont voulu oublier la violence, a mené Trump au pouvoir. Dans des sondages désormais exclusivement en ligne, les millions d'oubliés d'Internet, de non connectés, d'éloignés du monde dépeint par les médias, se sont vengés en rappelant qu'ils n'étaient pas comptabilisés dans le reflet de l'opinion, mais qu'ils avaient le droit de vote quand même. 

Mais tous les adultes américains ont le droit de vote et les 75% d'adultes qui n'ont pas voté pour Donald Trump sont désormais confrontés à cette réalité crue : se bouger pour un meilleur lendemain. Un soulèvement spontané, secondaire, plein d'espoir, d'élan, d'ouverture, d'envie. Un décalque inversé des Tea Party, une Coffee Party. Une cohorte infinie d'électeurs désireux de renverser la table, de capter des profits vampires qui sucent les travailleurs et les laissent morts, de relocaliser l'agriculture et la production textile pour protéger d'avantage la planète. Symboliquement, les membres du mouvement rapporteraient leurs armes à feu qui seraient ensuite fondues par des artistes qui en feraient des oeuvres pour les enfants du pays qui pourraient à nouveau marcher dans les parcs et les écoles sans craindre que des dingues défouraillent à tous vents. Bon, OK, là, je m'emporte, je rêve trop. Mais depuis le cauchemar de mercredi à l'aube, il ne reste que l'onirique et en plus c'est gratuit. Ne nous en privons pas. 

 

10/11/2016

Where the fuck is democracy ?

question-mark_318-52837.jpgIl ne s'agit pas de bouder à la suite de résultats que l'on peut qualifier par litote de déplaisants. Les manifestations gigantesques de New York (cet ilot progressiste noyé par un ras de marée conservateur), peuvent s'entendre, mais ça n'est guère constructif politiquement. Au-delà de la montée du populisme, au-delà de ce que l'élection de Trump dit du niveau du débat politique, le plus grand malade c'est bien la démocratie. Ne soyons pas mauvais joueurs en rappelant qu'Hillary Clinton a obtenu plus de voix que Trump. Ca n'est pas après le match que l'on vient déplorer les règles du jeu. Elles étaient connues de tous et n'ont pas empêché Obama d'être élu deux fois.

Non, le vrai problème c'est que deux fois plus de personnes ont préféré rester chez elles plutôt que de voter Hillary Clinton contre Donald Trump. Lequel a lui même obtenu les suffrages de 25% des américains, majoritairement des blancs vieux. Mais qu'on ne dise pas qu'Hillary Clinton avait avec elle une armée de jeunes, de femmes, et des minorités de ce grand pays. En %, peut être, mais en voix, misère... Je vois passer des cartes grotesques montrant que si les jeunes seuls votaient Hillary gagnait la quasi totalité des États. Cet argument générationnel est pitoyable : les jeunes sont restés chez eux et sont moins de 40% à s'être rendus aux urnes. Les jeunes s'en foutent. Ceux qui se sont bougés, sont ceux qui ont un diplôme et s'impliquent dans la vie publique. Eux, la mort dans l'âme, sont allés voter pour Hillary, mais ils sont aussi représentatifs que les abonnés à Télérama dans une assemblée de fans de Corrida. 

Voilà "la plus grande démocratie du monde" (auto-proclamée, en nombre d'électeurs) qui a donc fait campagne non stop depuis 18 mois, une élection qui a vampirisé tous les écrans, toutes les places, qui a plus envahi l'espace mental des électeurs potentiels que jamais et les deux candidats ont dépensé 2 milliards $... Tout ça pour avoir 50% des concernés qui se déplacent... You call this democracy ? 

Au Brésil, la semaine dernière, le maire de Rio nouvellement élu, évangéliste en diable, l'a été avec l'aide du lobby 3B, Bible, Balles (sécuritaristes), Boeufs (grand propriétaires terrien) avec 60% des suffrages. Mais là aussi, alors que le vote est obligatoire au Brésil, l'élection fut marquée par une abstention record.... La police a renoncé à infliger des amendes face à la défiance colossale suscitée par les candidats. 

Donald Trump ? Milliardaire face à une représentante de la caste des dirigeants, dont le mari fut élu 2 fois président, soutenue par Goldman Sachs et Google, et Bloomberg et autres oeuvres de charité... Au Brésil, des latifundistes et des corrompus ayant tous touché au gâteau Petrobras ... En Espagne, plus de corrompus dans les rangs du PP au pouvoir que de prêtres pédophiles. En Angleterre, les Panama Papers avaient laissé éclaté la fortune peu avouable de la famille Cameron. Voilà, les grands corps malades. Une armée de ploutocrates entretenant des relations peu avouables avec les grands médias, est-ce réellement le summum de la démocratie ? 

Chez nous, l'an prochain, même chose. Une grande kermesse à venir et un dégoût qui déborde. 80% des français pensent que la démocratie fonctionne moins bien, critiquent le rôle des institutions et des médias dans la fermeture des débats. Avec nos 95% d'espaces médiatiques contrôlés par 11 milliardaires, nous voilà bien. Ils ont choisi Macron : de l'Express à l'Obs, de BFM à TF1, l'attitude des éditorialistes à l'endroit de Jean Lecanuet 2.0 mériteraient d'être condamnées pour racolage. Macron comme antidote au dégoût démocratique ? Autant demander à Monsanto de piloter l'agriculture biologique... Quelle République promeut-il lui à part "me myself and I" ? Ses idées, consensuelles à l'envi, exposées sans dialogue dans l'Obs sont rigoureusement le décalque des politiques néo libérales de ces 30 dernières années (exceptée la retraite à la carte, je trouve ça malin) avec "autonomie de l'éducation", traduisez "crevez les écoles pauvres", "réforme de la carte scolaire" (il dit pas comment, populisme light classique) et dérégulez, dérégulez, dérégulez... 

Ne pas comprendre que la faillite démocratique vient d'un vide politique laissée béant par la chute du mur a de quoi inquiéter... Les tenants de Reagan et Thatcher en sont un peu revenus... Les 3% qui en profitent continuent d'aimer ça, mais les plus lucides des libéraux ont compris et désertent les urnes. La gauche est orpheline d'un projet et donc de candidats. Tous ces désespérés, tous ces déçus, restent chez eux. Ceux qui trouvent la force de se bouger le font par exaspération latente, une attitude peu compatible avec les principes d'une démocratie véritable qui exige un peu de sérénité. Puisse l'élection de Trump inciter la classe politique française à procéder à un aggiornamento des pratiques plutôt que des lignes et des postures...

 

08/11/2016

Chimériques partis

chimar14.jpgAu nom du rassemblement des forces de gauche, les cadres du PCF ont donc repoussé une union autour de Mélenchon, crédité d'entre 12% et 16% avec une constante autour de 15% dans les sondages. Deux solutions s'offrent alors à eux : s'allier autour d'un André Chassaigne qui doit bravachement pouvoir faire 1% ou rejoindre le panache blanc d'un Arnaud Montebourg et avaler une armée de couleuvres après des années passées à dire qu'il n'y a rien à attendre des socialistes. Le PCF a ses raisons que la raison ignore.

Ca n'est, hélas, guère surprenant : il est délicat de se trancher la tête soi même, raison pour laquelle les députés sont si peu enclins à rogner sur leurs avantages concernant leurs propres retraites ou leurs frais de fonction. De même, rien d'étonnant à ce que les états majors de partis ne puissent entériner une candidature en dehors des partis.

Critiqué pour avoir fait cavalier seul, Mélenchon a assumé le fait que les pesanteurs partisanes ankylosent la vie politique : si le PCF pourrait s'allier au PS, ça n'est pas par ligne politique ou affinité idéologique, mais uniquement pour placer des ronds de cuir à des postes de conseiller, d'assistant, voir de saute-ruisseau, tout ce que l'on peut pour sauver quelques gamelles... Hier, les opposants à Mélenchon ont dit qu'ils avaient repoussé le candidat de la France Insoumise car celui-ci ne considérait pas suffisamment les dignitaires communistes. Ils avaient moins fait les délicats en 2012. Ca ne tient pas, ils veulent juste sauver quelques strapontins lors des législatives 2017 et sont prêts pour cela à avaler tous les produits frelatés que proposent les alchimistes électoraux du PS... Triste tropique électoral. Un autre point, peut être, la règle verte de Mélenchon, peu compatible avec un PCF très puissant chez EDF et pro nucléaire, pro productiviste. Les idées et les besoins évoluent plus vite que les appareils partisans. 

L'honnêteté pousse à dire qu'Emmanuel Macron fait la même chose avec son mouvement En Marche. Lui aussi, pour d'autres raisons veut s'extirper du PS pour pousser sa ligne. La problématique des législatives l'handicapera de la même manière, à l'orée de la présidentielle...  Et ceci sera sans doute l'argument massue qui lui sera opposé une fois qu'il sera lancé : candidat Macron, sortez de l'ambiguïté, dites nous avec qui vous gouvernerez. Là, ça risque de poser souci, car niveau "société civile" Macron c'est Tintin, il est plutôt dans une logique gouvernance mondiale, gouvernement des meilleurs, les talents de gauche et de droite. Mais choisi dans les mêmes cercles qu d'habitude, avec un casting soigneusement étudié façon Trudeau. Image parfaite. Faut jsute pas regarder les textes...

Lors de la législative partielle de mai dernier à Strasbourg, le mouvement citoyen Ma Voix, constitué quelques mois plus tôt dans la ville à fini par rassembler plus de 600 voix en quelques semaines de campagne seulement où les militants du mouvement étaient aussi nombreux que ceux du PS ou de LR, à faire campagne le week-end... Quelle meilleure illustration de la faiblesse absolue des partis ? A quoi servent-ils encore ? Faire émerger des nouveaux visages ou des nouveaux talents politiques ? Défense de rire. Faire émerger de nouvelles idées ? Idem. La seule et unique raison d'être des partis est uniquement de former et préparer des élus et par extension, préparer et anticiper les alternances électorales. C'est maigre...

Dans une enquête d'opinion parue hier dans le Monde, 70% des français estiment que les partis sont des formes politiques dépassées et que l'autoritarisme gagne du terrain. 1/3 des français estiment que d'autres systèmes pourraient aussi bien fonctionner que la démocratie. Voilà le malheur. 32% des français qui préfèrent l'autoritarisme à la démocratie. C'est bien évidemment une traduction de la crise politique, du chômage, du repli sur soi, de la peur. Bien sûr, mais c'est aussi un formidable encouragement à faire de la politiquement autrement qu'en enlevant sa cravate. Judith a bien tranché la tête d'Holopherne, les aspirations collectives peuvent bien terrasser ces hydres vieillissantes que sont les partis.