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01/11/2016

Le monde à peine libre

A-01-Le-monde-libre.pngOn peut ne pas aimer Aude Lancelin. On a le droit. On peut s'étonner de ses admirations comme de ses dégoûts. La journaliste, agrégée de philosophie et amoureuse des idées, ne cache pas son inclination à gauche. Elle ne feint rien, ne simule pas, elle assume ses opinions. Elle ne cherche pas la facilité en adorant à la fois Emmanuel Todd et Houellebecq. Elle suit son ressenti de lectrice. Ce qui lui a valu le bûcher médiatique et un licenciement sans recasement de confort comme c'est d'ordinaire le cas pour les rédacteurs en chef de ce type.

Elle a choisi de le raconter dans un essai romancé, où les noms sont transparents "Jean Noel" pour Jean Daniel, "Laurent Moquet" pour Laurent Joffrin ou encore "Mathieu Lunedeau" pour Mathieu Croissandeau, l'actuel directeur de la rédaction de l'Obs qui se voit tailler suffisamment de costards pour n'avoir jamais besoin d'en racheter de sa vie...

Le livre de Lancelin est-il, comme cela a été écrit "un brûlot" ou un "pamphlet" ? Je ne crois même pas, plutôt un récit clinique du mundillo éditorial. Elle le dépeint comme Madame de Lafayette narre la vie de Cour de XVIIème siècle. Avec un peu de perfidie, d'accord, mais sans avoir besoin d'en rajouter, le ridicule parle de lui même.

Au fond, Lancelin nous alerte sur une évidence que l'on a trop tendance à oublier ou à édulcorer : on dépend de ses actionnaires, y compris dans les médias. Elle ne fut pas la victime de plumes ennemis ou adverses, n'est pas partie pour une querelle idéologique avec ses pairs, elle a été congédiée par Xavier Niel, Pierre Bergé et Mathieu Pigasse. L'ex roi du porno, du minitel rose et autres activités peu avouables a désormais la main mise sur la presse de gauche et on s'étonne que le pays aille mal...

Dans la galerie des glaces déformantes de notre monde médiatique, Lancelin n'omet pas de raconter qu'elle a failli être virée le jour où elle s'est payée la fiole de BHL, victime du canular Botul et qu'à cause d'elle, tout Paris était au courant que l'homme aux chemises blanches était peut être moins érudit qu'il ne le professait... La quinzaine de pages sur BHL est sans conteste la plus grinçante, on y voit Joffrin et tous les autres se prosterner devant BHV, ne jamais risquer de l'égratigner par peur de représailles. C'est sain... La fin du livre est évidemment l'autre passage vomitif du livre. 

Lorsque Lancelin informe ses supérieurs de sa relation avec Frédéric Lordon, le bateau tangue dangereusement. Ne s'agit-il pas d'un dangereux économiste et philosophe comparé à Pol Pot par Alain Finkielkraut ? Si si, c'est bien lui. Quel peut dès lors être l'intégrité de la journaliste ? Notons que la question ne se posait pas quand Anne Fulda du Figaro était avec Nicolas Sarkozy, Christine Ockrent à la tête de France 24 et avec Bernard Kouchner. Là, on sortait les sulfateuses féministes "comment, mais vous doutez de l'indépendance de cette femme ?". Pour Lancelin, pas de bol, la péronnelle risque d'être endoctrinée par Pol Pot... Sinon, comment expliquer qu'elle ne se joigne pas à l'unanimité de la rédaction pour dénoncer des mouvements comme Nuit Debout ? Pourquoi ne soutient-elle pas la Loi Travail ? Elle dévie de la ligne officielle, la bougresse. Dehors. 

Voilà ce qui explique que nous 45ème au classement de la liberté de la presse établi par RSF. Nous sommes dans les choux à cause de l'appartenance de 95% de nos grands médias à 11 milliardaires. Pas réjouissant... Comme aux Etats-Unis où on l'on met un couteau sous la gorge des électeurs de gauche en disant Hillary ou la mort, les médias classés à gauche en France entonnent "la ligne libérale Hollande/Valls/Macron ou dehors". Attention à ne pas se laisser effrayer par la critique. Dans une excellente conférence sur l'art contemporain, Frank Lepage montre bien que les huiles de l'art contemporain de marché, celui de Koons et de Hirst mais qui votent socialiste pour l'étiquette, avancent que "toute critique de l'art contemporain est sarkozyste" façon de fermer le ban. De même, toute critique des médias serait populiste et court termiste. Bah non. C'est une nécessité citoyenne. Et Lancelin l'a admirablement fait avec ce livre. 

27/10/2016

Ode à Emmanuel Macron

325px-HugoOdesBallades.jpgContrairement à ce que mon titre pourrait laisser penser, je n'ai pas bu. Une vidéo diffusée hier d'Emmanuel Macron m'a ravi : on y voit le chouchou des dames patronnesses d'Auteuil fustiger le non Wallon au CETA. Merci à lui d'enfoncer le clou en fustigeant ceux qui s'opposent à un texte opaque (ce que même les promoteurs reconnaissent) avec une régression sociale et écologique forte. Merci à lui, car ce faisant il est cohérent : sa loi promouvait les cars (polluants) et un article qui avait fait hurler la presse pour protéger le secret des affaires. Cet homme est contre la transparence et contre les contraintes depuis le début. En cela, il est cohérent avec son passé de banquier d'affaires. Je ne juge pas le fait qu'il ait passé 2 ans (et empoché 2 millions) de Rothschild, au contraire, je dis que 100% de ce qu'il prône depuis favorise l'intérêt de cette caste là. Malheur à ceux qui ne savent pas lire.  

Personnellement, j'ai lu tout son discours de la Mutualité. Il dit du bout des lèvres que "la solidarité ne doit pas être un gros mot, mais à condition de s'accompagner de beaucoup de libertés"'. A peine un demi mot sur l'écologie. Il déplore l'existence d'un continent de plastiques. Mais il s'arrête là, avant de devoir prendre des mesures contraignantes. On a bien compris que c'est sa kryptonite à lui, les contraintes et les normes. 

Quand il critique la loi El Khomri parce qu'elle n'allait franchement pas assez loin en faveur de la liberté des entreprises, on voit de quel côté des barricades l'ex de Bercy se situe. Quand il dit que "la vie d'un entrepreneur est plus dur que celle d'un salarié", on sent qu'il cherche à se faire applaudir dans les abattoirs et dans les entrepôts Amazon où les livreurs se les roulent quand M. Bezos sue sang et eau, lui. Idem derrière sur ses autres saillies "il faut bosser pour s'acheter des costards", "le statut des fonctionnaires est obsolète, il faut en finir avec l'emploi à vie"... On sent le défenseur acharné de la Sociale.

Hier, quand il nomme comme ambassadeur l'ancienne responsable fiscalité des ultra libéraux de l'Institut Montaigne ou une "passionnée de storytelling" qui, comme tous les fanas de la Valley prétend ne pas prendre position sans se rendre compte qu'elle vomit toutes les contraintes et appartient donc aux ultra libéraux, Macron affirme ses choix.

Dans un univers politique où les contours sont trop flous, où des personnages étrangers comme Arnaud Montebourg sont à droite de Juppé sur la fiscalité des starts-up et à gauche de Mélenchon sur le protectionnisme économique, la constance de Monsieur Macron fait plaisir à voir. Une constance ultra libérale et gentiment progressiste, il n'est pro immigration et contre les discriminations. Pas au nom de la justice où de l'égalité, mais simplement parce que comme dit le PDG d'Apple "discrimination is bad for business". Pas du Blanqui dans le texte. Dans une récente conférence, l'économiste Frédéric Lordon comparait Macron a une tomate élevée hors sol. Pour une fois, je serais en désaccord avec le maître : hors sol français, oui, mais 100% OGM américains. A voir si on aime ça... Qu'on ne m'en veuille pas de vouloir jeter ça à la poubelle, je sais qu'à long terme, ça produit des ravages.  

24/10/2016

Un homme qui dit ça ne devrait pas être Président

9782234075481-001-X.jpegJ'ai lu les 660 pages du livre dont tout le monde parle avec une célérité liée à la sidération. Page après page, l'envie irrépressible de se dire "bordel, mais c'est pas possible". Il est impensable que l'actuel locataire de l'Elysée ne réalise pas l'immensité de la méprise qu'il y a à concevoir qu'il est bien notre président. Cet homme n'a aucun sens de l'Histoire, aucun sens du temps long. Il ne pense que "récit", est obsédé par la presse et les couloirs... Quelle honte pour la France. Son prédécesseur avait évidemment abaissé la fonction comme jamais avec des débats ineptes, des amitiés non avouables et une syntaxe approximative. Mais ça n'est pas parce que Sarkozy fut déplorable qu'on doit se voiler la face : en termes de stature d'homme d'Etat, Hollande est de loin le plus mauvais président de la Vème. Politiquement, il y aurait trop de subjectivité à décerner ce titre, mais pour ce qui est de l'incarnation, pas de doute possible.   

Déjà, l'introduction. Comment Hollande qui ne fréquente que des journalistes depuis 30 ans a pu se faire avoir par "Melon & Melon" (Davet/Lhomme) au point de leur accorder 61 entretiens, soit plus d'un par mois, des dîners à l'Elysée et à leurs domiciles et en pensant qu'ils lui laisseraient le droit de se relire ? Confondant de naïveté... La naïveté est d'ailleurs une des dominantes du livre : naïf face à Cahuzac qu'il a cru intègre. Naïf face à Gattaz, lorsqu'il a réellement cru au million d'emplois créés... Naïf, encore pire, face à Macron (au sujet duquel on apprend qu'il a failli intégrer le cabinet de Fillon en 2010, debout la gauche...), qu'il est certain de maîtriser. Risible, s'il n'était Président. Eu égard à la fonction "pathétique" convient mieux.

Au-delà d'être un naïf, c'est un boutiquier politique. Sur le plus grand enjeu de l'histoire de l'humanité, l'écologie, on apprend que l'homme "pense que ça peut être un sujet", MAIS, "sans débouché électoral, donc il laisse Ségolène y aller seule. Quelle vista... Et encore se félicite-t-il d'éteindre les lumières de l'Elysée, depuis 2015. C'est effrayant. Aucune perspective, aucune capacité de projection. On le voit, on souffre, sur l'emploi : aucune planification, aucune vision de relance par l'Economie de la mer, des nouvelles énergies, la création de centaines de milliers de petites exploitations agricoles, de passage à l'ère du revenu universel pour permettre aux aidants familiaux et aux animateurs socio-culturels de vivre dignement de leur engagement bénévole. Rien. Rien de tout ça, juste des tripatouillages fiscaux, des coups de fil à Gattaz et brûler un cierge en attendant que la courbe s'inverse. Ca ne prend pas. Pour lui, si. C'est l'autre enseignement du livre, Hollande pense vraiment que les français sont injustes car "les indicateurs socio économiques vont mieux, et au niveau international, nous sommes remontés". Cet homme ne parle que pour le Financial Times...

On y voit aussi un cynisme absolu : parlant à des électeurs de gauche déçu par la politique économique du gouvernement, il leur explique que "l'important c'est de fixer un objectif, pas forcément de l'atteindre". Mazette... L'homme qui saluait le tournant de la rigueur, en 83, n'a jamais changé, un homme de la 3ème gauche, plus à droite que Rocard, homme de petites synthèses, de petits compromis. Jamais maire d'une grande ville, jamais ministre, Hollande est passé entre les gouttes et éviter le jugement populaire avant d'être directement propulsé président. Nous payons cette méprise historique. Je ne dis pas qu'Aubry aurait crée l'avènement de la Sociale, mais au moins, c'est une femme d'Etat. Qui a une vision et le sens de l'histoire. 

Au fond, une anecdote résume mieux que tout notre actuel président : lorsqu'il prend des vacances, il emporte les articles qu'il n'a pas eu le temps de lire pendant l'année... Une manie conservée de ces années estudiantines. Quelle déplorable petitesse. Lire et relire encore des plumes amies, des plumes connues, se goberger de notes et d'analyses déjà périmées. Hollande est vraiment cela, au fond, l'homme de l'éphémère, du jour le jour, incapable de la moindre projection. D'ailleurs, il confie aux journalistes qu'il a adoré être candidat et regrette que cela ne revienne pas. Avec une troublante similitude avec Sarkozy, ils sont de bons candidats et de mauvais présidents. Pour 2017, il faut à l'évidence changer cela.