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09/10/2016

Petites sorties pour grands truands

western_036.gifAinsi, finalement, Donald Trump va tomber. Non pas pour avoir remis en cause le réchauffement climatique ou truandé près d'1 milliard $ d'impôts depuis 18 ans. Non pas pour avoir bâti une fortune sur des activités immorales (les casinos et la spéculation immobilière avec pots de vins aux politiques et expulsions de pauvres hères pour nettoyer les chantiers), pour avoir montré une ignorance crasse de la géopolitique, déversé des tombereaux de propos haineux sur les immigrés mexicains... Non, tout cela il l'a surpassé, il y a survécu. En revanche, pour une vidéo dérobée avec des propos salaces, là l'hallali sonne. 

Les soutiens de Trump n'ont pas bronché pour le milliard de détournement ou pour la folie anti écologiste, les propos visant à un suicide planétaire, en somme. Le mur avec le Mexique ! Le mur avec le Mexique n'a même pas empêché des responsables politiques de mettre fin à la mascarade. Alors même que les propos étaient publics, réfléchis, pesés. Là, on parle d'une vidéo exhumée d'il y a 10 ans, des méthodes à la Patrick Buisson. Trois mecs à l'arrière d'un bus qui se lâchent comme des bons gros veyrats. Je n'encourage évidemment pas les propos tenus là, je rappelle juste dans quel cadre ils ont été tenus et dire qu'hélas, ils sont monnaies courantes. Il y a tout de même beaucoup plus de libidineux vicieux que d'écolosceptique... C'est pourtant sur cette base que tous les poids lourds du GOP le lâche, Paul Ryan et Ted Cruz en tête. En revanche, le colistier de Trump, Mike Pence, évangéliste et celui-là même qui aurait dû être le plus outré par l'attitude du magnat de l'immobilier, refuse d'abandonner son strapontin du pouvoir. Vous avez dit constance ? 

Il y a près d'un siècle, le sanguinaire Al Capone est tombé pour fraude fiscale. L'empire financier crée par Silvio Berlusconi a brisé l'opiniâtreté de tous les juges, les montages plus que cavaliers de filiales et autres holdings a résisté aux assauts judiciaires. Il a fallu le témoignage d'une prostituée mineure pour que le Cavaliere chute enfin de son cheval dopé. On pourrait poursuivre la litanie longuement. DSK, chez nous a eu maille à partir avec la justice pour la MNEF a toujours eu des partenaires économiques peu recommandables, et des centaines de rumeurs de harcèlements, voire de viols, rien qui ne l'a empêché d'accéder à Bercy ou à la tête du FMI. Et puis, la fable de la femme de chambre qui le prive de l'Elysée et soudain, tout le monde réalise qu'il est infréquentable. Et encore, le jour où un sondeur jouisseur irresponsable s'amusera à le tester pour la présidentielle, je pense que l'on aurait une surprise effroyable. Notre capacité à pardonner dépasse l'entendement. 

Peut-on mettre sur un même plan la violence physique et la violence financière ? Evidemment, non. Une vie n'a pas de prix, donc celui qui est susceptible de voler une fortune est toujours moins dangereux que celui qui pourrait assassiner quelqu'un. Bien sûr. Pour autant, le delta s'est trop élargi, récemment entre notre tolérance. On arrive côté physique à une justice digne de Minority Report : de la suspicion généralisée, des caméras dans les zones où les pauvres "pourraient" voler et désormais de l'enfermement préventif pour les potentiels auteurs de crimes. Pour quels résultats ? Déplorables, évidemment. Cette logique populiste de herses, de lignes Maginot sécuritaire ne résoud rien. Pour autant, on en rajoute encore des louches jusqu'à la vomitive proposition référendaire de Sarkozy qui dit qu'en gros tous les porteurs de Djellabas ou tout ceux qui ont commandé un Coran ou regardé une vidéo de Tariq Ramadan doivent aller en prison au motif spécieux "qu'il n'y a pas de fumée sans feu". Dans le même temps, on laisse se présenter aux élections des responsables mis en examen à plusieurs reprises dans une multitude d'affaires d'une gravité extrême et pour lesquelles on trouve systématiquement un "faisceau d'indices concordants". Là, si vous exhibez le chiffon du "pas de fumée sans feu", on vous hurle dessus, on vous rétorque "principes républicains", "indépendance de la justice", "présomption d'innocence"... A ce point de deux poids de mesures, la nausée est la seule attitude convenable. 

06/10/2016

Primaires, la collision des temps

planets.jpgL'avenir n'est jamais certain, d'accord, mais ça n'est pas une raison pour s'y rendre en zigzaguant sans cesse. Du point de vue de la constance, les primaires actuellement à l'oeuvre (sans doute moins pour celle d'EELV, mais son audience confidentielle et son influence itou pour faire référence à un précédent billet, fait que l'on s'en contrefout) à droite et à gauche ont de quoi laisser pantois. Et pour parler franchement, nous donner la gueule de bois démocratique. 

Ce matin, NKM, que l'on classerait volontiers comme une des plus modérées de la primaire, reprend à son compte la proposition phare d'Hervé Mariton, resté en rase campagne faute de parrainages : la flat tax. Cette décision libertarienne que pas un candidat de droite n'ose brandir, voudrait que Bernard Arnault et un employé de chez Sephora s'acquittent de la même proportion d'impôts. Exit la progressivité sur laquelle repose toutes les fiscalités au monde, à plus ou moins forte échelle. On se pince. La journaliste aussi, qui demande comment compenser l'immense injustice sociale causée par une telle mesure. Et là, je crois que l'on bat des records de démagogie, pour ne pas dire d'ignorance crasse et de connerie pure : NKM nous propose un revenu universel à 470 euros par personne après avoir ôté toutes les aides. Pour quelques millions de foyers, cela correspond à une perte sèche (si on enlève l'aide de la CAF, la prime à l'emploi, le RSA activité et autres) de plusieurs centaines d'euros par rapport à 700 ou 800 euros d'aides qu'elles touchent. En clair, on vous supprime des aides et on vous demande de payer plus d'impôts. Mais quelqu'un de censé relit-il le programme de celle qui aime à rappeler qu'elle est passée par l'Ecole Polytechnique, l'empyrée de nos mathématiciens ? Pitié... Elle a juste pris une mesure orpheline politiquement et celle qui pousse dans le débat public (le revenu de base) et les a passé au shaker en espérant que le cocktail serait buvable. Raté... 

Cela dit, n'accablons pas NKM, j'en vois au moins 3 qui l'égale dans les palinodies programmatiques sans nom pour complaire à l'air du temps changeant : Sarkozy, évidemment, mais aussi Fillon et de l'autre côté, Montebourg. 

Sarkozy... Faut-il préciser ? Le changement climatique, l'identité, les racines de la France, l'assistanat, le travail, les impôts... Ce bon monsieur se contredit sans cesse, ça n'est pas moi qui le dit ce sont les décodeurs du Monde ici. Edifiant. Rien à sauver. Allez hop, suivant. François Fillon.

Quelle décrépitude... Il commence sa campagne avec une dignité toute IIIè République, quasi Mendésienne, type "je perds, mais je m'en fous, je ne dévie pas de mon programme" et la rouste approchant, l'orgueil reprend le dessus et il se lâche en hurlant des insanités dignes d'Eric Zemmour (qu'il est curieux d'accoler la notion de dignité et le nom de ce mange merde...). Dans son livre sorti à la va vite et intitulé "vaincre le totalitarisme islamique" il ose, (page 57 pour ceux qui ne me croiraient pas) citer les historiens nauséabonds et crapuleux qui évoquent l'admiration du Mufti de Jérusalem pour Hitler et en déduire une thèse selon laquelle l'islamo-nazisme est une constante de l'histoire. Et le même d'oser la comparaison entre le massacre des chrétiens d'Orient et ce qui pourrait survenir en Occident si nous n'y prenons garde. Pauvre loque... La description est vomitive : il explique qu'on ne peut plus enseigner la Shoah nulle part et que "l'Ecole a démissionné". Bah vas y le marquis de la Sarthe, enseigner là où tu ne foutras jamais les pieds. Pauvre con. Et la fin, avec ces propositions est plus grotesque encore : contre le terrorisme islamique, il faut expulser par milliers (lui a t'on dit que les terroristes étaient français, pour la plupart ?), construire des dizaines de milliers de places de prison, réarmer l'école (bigre) et demander au GAFA de lutter contre la propagande islamique (c'est comme si c'était fait). La vieillesse est un naufrage, la peur de la défaite électorale aussi.  

Reste Battling Montebourg, le challenger, l'outsider, le bretteur qui monte et à la fin de l'envoi qui touche. Regardez le claironner, tempêter, rouspéter pour au final devancer Hollande dans les sondages de la primaire à gauche. Fichtre, c'est donc qu'il a un programme économique qui fait mouche ? Sur l'écologie, le champion du gaz de schiste et du productivisme se fait également le chantre des circuits courts sans voir d'interférence sur la ligne verte. Sur la fiscalité il veut encourager les start-ups (dont tout le monde sait qu'elles sont toutes vertueuses) et fracasser fiscalement les importations; sachant que nous ne sommes plus auto-suffisants d'un point de vue alimentaire, Montebourg va se faire des potes chez ceux qui font les courses. Une minorité... 

Pour éviter cela, à l'avenir, on devait demander aux candidats de déposer soit un programme fixe (s'ils y croient) soit une méthode programmatique (pour ceux qui croient que l'avenir de la démocratie est vers un programme élaboré en commun) lorsqu'ils annoncent leurs candidatures, mais plus de changer leurs priorités à la moindre dépêche des agences de notation ou d'alerte sécurité. Laissons les girouettes sur les toits. 

05/10/2016

Audience sans influence n'est que ruine. Tout court...

iStock_000005996988Small11.jpgLundi nous avons appris, médusés collectivement, hallucinés collectivement, que Madame Kardashian Kim a une audience cumulée de 160 millions de personnes sur les réseaux sociaux. 160 millions. Plus de deux fois la France, plus de la moitié des Etats-Unis. Plus de 160 fois l'audience cumulée de Libération... 

N'en jetez plus, il est aisé d'écrire à la suite de cet incident "cours camarade avides de faits et d'informations vérifiées, le vieux monde est derrière toi". La modernité c'est l'audience qui donne accès à tout. Peu importe le flacon émetteur pourvu que l'ivresse chiffrée se répande. Et nous saoule de liqueur réactionnaire.

On est jamais loin, en l'espèce de se renfrogner et de se replier sur le "c'était mieux avant". Finkielkraut aujourd'hui, qui déplore que la parole d'un rappeur vaille celle de Patrick Boucheron. Eric Zemmour aussi le déplore en ajoutant qu'hélas, le rappeur dépasse désormais Boucheron car les chiffres sont considérables. A cette aune Zemmour dépasse Badiou. Respirons un peu. Ca n'a rien de nouveau, il y a 40 ans, le grand Jean-Patrick Manchette déplorait déjà dans son journal "qu'aujourd'hui, avec la télévision, le pétomane et Flaubert se valent. Et demain l'avantage sera au pétomane". Rien de neuf, donc.

Les courroies de transmission sont plus globales, synchronisées, plus folles. Jerry Lewis aurait adoré Youtube, Churchill se serait délecté avec Twitter et Wharol aurait raffolé d'Instagram. Et un paquet de tocards inconnus contemporains de ces géants leur seraient passé devant en audience. Mais quid de l'influence ? Qu'il nous soit permis d'en douter... 

En littérature, personne n'a égalé les ventes de Guy des Cars et combien en lisent ? Combien de grands critiques en parlaient, le recommandaient ? Personne. Des Cars se vendait exclusivement en bouche à oreille, avec ses thuriféraires et sans effort et sans conséquence. Il a vendu, il a disparu, on en parle plus.

En politique, on confond trop souvent popularité et électorabilité (pardon pour les puristes). Jean Lecanuet, Bernard Kouchner peuvent en témoigner. Emmanuel Macron finira par comprendre que c'est une loi d'airain.

Madame Kardashian s'inscrit dans cette mouvance. La seule différence est que son auditoire immense repose sur un vide sidéral. Ni artiste, ni sportif, ni politique ni figure économique, elle est la tête de gondole la plus emblématique du creux de l'audience. Comme le disait Guillaume Erner sur France Culture, "La conscience commune s’est émue de ce vol, alors que la conscience commune ne s’est pas émue qu’une personne sans profession autre que la gestion de sa célébrité, ait pu rassembler un patrimoine d’au moins 9 millions d’euros. Ce qui prouve une fois de plus que le vol est beaucoup plus sévèrement jugé dans notre société que l’imposture qui passe, et qui n’est même pas dénoncée". Si c'est aussi bien accepté c'est que, pour une fois, il s'agit d'un début de revanche du lumpen prolétariat sur le capital : ils sont célèbres sans demander la permission, sans passer par les canaux officiels du capital mais en s'auto-promouvant directement. Quand EnjoyPhoenix devient une star avec des millions de jeunes filles qui suivent ses conseils de beauté diffusées en ligne, elle n'a pas passé d'entretiens et de partenariats, elle parle la foule suit... Et le capital récupère, la rattrape en monétisant sur son dos et en organisant des événements grassement rémunérateurs, autour de son minois. La seule différence c'est donc la déprolétarisation, on peut presque y lire une victoire. Presque...

Pour revenir à l'audience et l'influence. Madame Kardashian en a t'elle tant que cela ? Après tout, seuls les chatons bondissants peuvent rivaliser avec elle pour le delta étonnant entre célébrité et "mérite". Mais justement parce qu'elle n'a aucun mérite, qu'elle n'a pas conquis ses fans sur des actions ou des propos, elle n'a pas d'influence. Oprah Winfrey, elle, tire son influence de l'immense affection que lui prête ses fans qui jugent qu'elle est la meilleure intervieweure du PAF. Alors quand elle écrit un tweet pour vanter les mérites d'un appareil de cuisine de SEB, l'action de la marque grimpe de 100 millions $. Ca c'est du lourd. Comme la parole de certains acteurs appelant au boycott, comme George Clooney réussissant à imposer la tenue d'un référendum de partition au Soudan. Madame Kardashian serait-elle crédible si elle appelait au boycott d'une marque ? Si elle s'engageait aux côtés de Donald Trump ? Changerait-elle des votes. Son impact ne serait peut être pas d'un zéro absolu, mais guère éloigné. Comme sa mésaventure ne changera pas la donne pour le tourisme en France, d'ailleurs les médias américains ont été bien plus futés que les français, sur le coup. 

Une société sous influence, ça n'est pas un projet joyeux et égalitaire, mais c'est toujours moins inquiétant que la seule emprise de l'audience, qui n'est pas encore là. Obama peut couper Facebook, pas l'inverse. (Pour l'instant...)