01/05/2011
Chronique du dernier 1er mai avant 2012, la route va être longue, camarades...
Le beau est l'ennemi du manifestant. La pluie aussi. Toutes deux éloignent les bataillons de militants, dixit la presse. En somme, seuls les nuages pourraient permettre un déferlement en masse. Curieux.
C'est donc sous grand beau que nous nous élançons, Castor Junior et Castor Senior vers la place de la République. Nous savons déjà, tristesse, que nous serons moins nombreux qu'à Rome... 1 million de dévots, bigots, allumés qui se massent et se pressent pour saluer la canonisation de Jean-Paul II... 1 million de personnes qui saluent l'action de Wojtyla, j'ai rien vu d'aussi incompréhensible depuis les foules en délire devant Ségolène Royal et les imbéciles en lévitation qui espèrent le retour de DSK de Washington; sans doute les mêmes, des illuminés pas bien méchants mais très pénibles tout de même; leurs gourous font beaucoup des conneries dès qu'on leur en laisse le loisir.
Effectivement, ce n'est pas l'affluence de l'an dernier (contre les retraites), de 2002 (contre le Pen) ou 2003 (encore les retraites) et 2004 (sécu). Non, là, nous sommes dans une mélasse idéologique où le non gazeux ne constitue pas une base solide. 20 000 apparemment, en faisant la moyenne des "selon".
Les 20 000 ne sont pas les manifestants typiques. Certes, les ballons et les autocollants sont familiers, mais ils se dégonflent vite. Personne sous la banderole PS (guère surprenant), ni EELV ou autre formation politique, seules la CGT et la CFDT rassemblent des foules. Pas de chant ou de discours fédérateur, quelques sons dispersés se font entendre "Sarkozy dégage" "on ne lâche rien"... Idem pour les mots d'ordre classiques "touche pas à mon pote" (id est la photo où j'accepte de poser avec ce slogan qui ne me plaît guère... SOS racisme, quelle connerie de guerre quand il faut relancer l'indépassable, "la France, c'est comme les mobylettes, ça marche au mélange"). Arrive le front de Gauche et son "dégage ou partage" mais tout ça reste trop vague. Pas de "pour une révolution fiscale", "des boucliers faisons fable rase" et autres "les plus grands plans sociaux étaient dans la fonction publique, exit le patron Président voyou", bon j'improvise là, donc mes slogans sont modérément convaincants mais vous voyez l'idée, faut qu'on se remue...
Je passe sur les conspirationnistes de tous poils qui ressurgissent au 1er mai (regardez les avions, ils déversent des attaques chimiques... Le 11 septembre les tours ne se sont pas éffondrées...) et les indépendistes kurdes et tamouls pour arriver aux 400 qui posaient problème.
400 tunisiens, des "Lampedusa" comme disait la banderole, filmés par la caméra respectueuse de Serge Moati. Ils partirent 400, mais par un prompt renfort, furent escortés par 3000 flics pour arriver à bon port... La peur que ça dégénère hantait les rues... Je puis assurer pour avoir défilé avec eux qu'ils ne m'ont rien dérobé ou attenté à mon intégrité, à peine scandaient-ils " Sarkozy dégage", preuve de leur sidérante capacité d'intégration...
Avant de mettre la flèche pour regagner mes pénates, à l'avant de la manif, 12 cars de CRS, des flics en tenue de Robocop et un petit vieux illuminé et manifestement ami de la dive bouteille qui hurlait sans que l'on puisse savoir si l'inversion était volontaire ou non, "justice partout; police nulle part"...
Demain, nous reprendrons le défilé, celui des semaines de labeur sans pont...
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30/04/2011
Sous les quotas, l'argent fou du foot...
Qu'on l'aime ou non, reconnaissons une qualité à Edwy Plenel: il ne lâche jamais prise. J'étais un peu jeune, mais pour les besoins d'une cause, me suis plongé dans l'affaire des Irlandais de Vincennes. Il les a essorés. Idem pour toutes les affaires qu'il a empoignées, de la cassette Méry (DSK si tu nous écoutes...) à la fameuse Bettencourt Woerth. Donc quand j'ai vu qu'il se lançait dans une guerre contre l'équipe de France, je me suis dit "cher Laurent Blanc tu as du souci à te faire". Effectivement, 2 jours après, on apprend qu'il y avait un mouchard, que tout a été enregistré et que les dénégations vont être délicates... Comme pour Bettencourt, le petit personnel (un majordome, alors) n'est plus fiable, ou alors il veut relancer la lutte des classes...
Inévitablement, cette histoire va puer. Puer parce qu'elle est lancée dans un contexte de montée en puissance du crypto poujadisme, que Blanc et Montbaerts vont être défendus par Zemmour, Menard, Lévy et Rioufol... Avec 4 avocats comme ça, tu n'as pas besoin d'accusateurs, la potence t'est promise. Je me goure peut être, mais je crois qu'on se trompe de procès.
Sur l'histoire des quotas de bi-nationaux, l'histoire est assez simple: on repère des gosses français dont les parents sont étrangers. On les forme, ce qui coûte un bras, ils font leurs classes en espoir et quand la route de l'Equipe de France leur est barrée pour une question de niveau, ils préfèrent aller jouer pour l'autre équipe ce qui finit par causer des problèmes quand il s'avère qu'ils ont le niveau par la suite. Bon... C'est un peu énervant, mais faut-il pour autant crier à la délocalisation de nos talents et relancer la préférence nationale ? Peu probable.
L'autre polémique est à prendre avec encore plus de pincettes et mérite que l'on s'y arrête 2 secondes. Le conflit oppose les tenants des "blacks puissants" aux "petits blancs techniques plus à même de comprendre notre culture". Mais quelle culture puisque tous les gosses sont français ? L'argument ne tient pas, le biais est culturel et, à mon avis, financier. Je m'explique.
Ce qui est reproché à ces types (les blacks puissants), c'est d'être prometteurs, mais trop limités en pro et de ne pas tenir leurs promesses. Pas faux. Je me suis souvent amusé à imaginer les équipes de France que l'on devrait avoir depuis 1998 si nos espoirs avaient porté leurs fruits: Luccin, Djibril Cissé, Dalmat, Simana Pongolle, Mavuba ou encore Sankharé, Bernard Mendy, David N'Gog et la liste serait infinie...
Or, ce que ces gosses ont tous en commun, plutôt qu'un morphotype, c'est d'avoir été très précaires et très forts très tôt. L'argent fou et la médiatisation outrancière du foot aujourd'hui fait qu'après trois petits ponts et un but en coupe de la Ligue, les mômes posent des conditions, poussés en cela par des entourages peu recommandables... Très vite, ils partent à l'étranger pour gagner 100 000 euros par mois et ne feront jamais carrière... Ce n'est pas le squelette qui est en cause, mais la folie et la célérité du pognon qu'on vous met sous le nez qui fait péter un cable aux typex comme Martin Djetou, natif du Neuhoff à Strasbourg qui rentrait en jet depuis Parme tous les week-ends cramant toutes ces économies instantanément car on ne lui a jamais appris à gérer...
Zidane et Ribéry ont eu la très grande chance de ne pas être précoces. Aussi, ils se sont formés petit à petit et ont commencé à gagner des sommes indécentes quand ils avaient déjà parachevé leur formation technique. La différence est là. Des Desailly, des Thuram et autres savaient au début de leur carrière qu'ils devraient mettre de côté pendant 10 ans pour mettre leurs proches à l'abri et ils bossaient. Là, on brûle le cerveau de nos minots en leur filant plus de ronds en un an que leurs parents n'en ont gagné en 42 ans de turbin... A quoi bon se fouler ?
Il sera plus aisé et surtout tellement plus drôle et plus vendeur de papier de s'étriper sur l'écume du problème. On fera contrition, génuflexion, tournera un clip avec Obispo pour montrer notre engagement contre le racisme, mais ça ne guérira que pouic; la société est malade de l'argent fou et on voudrait nous faire croire que c'est une histoire de couleur de peau pour nous élever les uns contre les autres. Pardon, je voulais dire "le milieu du foot" bien sûr, la société va très bien merci pour elle...
Demain vous je ne sais mais je défilerai avec pôpa l'après midi, aux côtés sans doute des quotas de Tamouls et de Sri Lankais qui remercient leur aieux syndicaux....
18:20 | Lien permanent | Commentaires (4)
28/04/2011
Allez vers André Vers...
Les français lisent très souvent les mêmes romans. Par paresse. Ceux qu'on leur met sous le nez. A savoir :
- Les romans d'actualité. C'est bien le moins, les statistiques montrent que ce sont les têtes de gondole, grosses maisons ou auteurs primés. La prise de risque des lecteurs est assez minime. Je suis certain que si l'on faisait une étude avec un ratio nombre de livres achetés/ temps passé on librairie, on découvrirait que les gens achètent leurs livres plus vite qu'avant. Des achats d'impulsion comme on achète une fringue vue dans un catalogue. Personnellement, je passe beaucoup de temps à les renifler, 4ème de couv', quelques lignes au hasard, on soupèse, on repose, on revient...
- Les classiques. En France, on s'éloigne de l'actualité pour relire Stendhal, Proust, Voltaire (beaucoup) et les classiques grecs et latins. Mouaif, ventes massives aux scolaires et livres qui s'offrent pour garder une certaine respectabilité morale.
- Les "livres cultes". Des auteurs morts récemment, si possible tragiquement, qui ont alors le droit à un statut de starlette. Hervé Guibert, Huguenin, John Kennedy Toole, voir pour certains Elise ou la vraie vie de Claire Etcherelli (mais en fait il semblerait que pour les enfants de 68, elle ne soit plus si culte)...
Il y a évidemment 1000 raisons de trouver des trésors dans les 3 catégories. Ne serait-ce que pour des raisons de masse, cela représentant la très grande majorité de la production littéraire. Oui, mais les autres ? Les demi-maîtres, pas assez puissants pour être considérés ad vitam eternam comme des grands... Pas de bol ce sont eux que j'aime. Mon idole, Bernard Frank, mais aussi Bove, Hardellet, Hyverneau, Calet, Vialatte, Prévost, Jean-Pierre Enard (moins bavard que Mathias) Bory, Ducharme et tant d'autres... Bon, généralement ils sont moins republiés, avec des tirages plus confidentiels et une durée de vie de la réimpression plus courte.
Certains éditeurs se sont fait une profession de foi de les faire revivre comme le Dilettante, Joseph K et dernièrement, le bordelais Finitude. Il republie tout Enard dont l'excellent "le dernier dimanche de Sartre". Et là, récemment "misère du matin" d'André Vers.
Vers (1924-2002) est un auteur prolo, auto-didacte génial qui fréquenta ses pairs cancres d'école mais génie des mots (Brassens, Prévert) en restant travailleur: ouvrier, apprenti, puis correcteur et libraire à la fin de sa vie... Accessoirement, il cotoyait aussi des cadets à qui il dispensait des leçons de choses au détour de quelques verres de contact; je sais que mon paternel compta parmi les heureux lauréats autour des tablées, assez pour qu'il aille s'en jeter quelqu'un après la mise en bière...
Quand il n'était pas attablé avec ses copains, derrière un établi ou le nez dans un livre, André Vers a aussi pris le temps d'écrire. Là, c'est un roman dont le pitch n'a aucun intérêt: André, jeune ouvrier connaissant les galères de tous les types de son époque (on le prend en 1940...) cherche à découvrir la chair plus que tout au monde. A peine cette découverte effectuée, il rencontre l'amour sous les traits de Mireille et sa vie bascule. C'est beau et triste à la fois. Ecrit en prose et en poésie, en argomuche comme dans le français de Vauvenargues. C'est simple et déroutant d'émotion. En le refermant, on a envie de souhaiter bon vent à Finitude et de nombreuses autres réédition pour retrouver ce plaisir de la découverte...
Demain, nous observerons un silence pudique devant la déclaration de Carla Bruni dans Match : " Peut-être que des gens (sous-entendu les gens qui souffrent d'illettrisme) en lisant notre entretien se diront: "ah il y a des gens comme moi qui souffrent de la même honte. Ah il y a une solution". En ces temps de miracle papaux, pourquoi pas sauver ce qui ne savent pas lire en leur tendant Match et les exhortant "lève toi et lis"...
14:44 | Lien permanent | Commentaires (6)