20/04/2011
Ménard sans les manières...
Tiens, elle est de retour. "Elle est sale, elle est glauque et grise, insidieuse et sournoise, d'autant plus meurtrière qu'elle est impalpable. On ne peut pas l'étrangler. Elle glisse entre les doigts comme la muqueuse immonde autour de l'anguille morte. Elle sent. Elle pue. Elle souille. C'est la rumeur."
C'est triste à dire mais Robert Ménard a lu et retenu Desproges. Il a le génie du marketing de l'époque: la rumeur. Oh, "Vive le Pen !" Sortez les étendards, brandissez les boucliers de la vertu, controns l'arrivée d'un nouveau croisé raciste. Bouh sur Robert Ménard. Bouh à renforts de dizaine de milliers d'exemplaires de son torche cul qui lui permettront en royalties anticipées de passer des vacances de parvenu à St Trop ou en Corse... Mais ça ne fait rien, conspuons le en l'invitant partout pour parler d'une plaquette plutôt que de mettre dans la lumière ceux qui se sont escrimé à faire des livres sérieux...
Spinoza, toujours, et son célèbre, "ne pas rire, ne pas pleurer, comprendre".
Ne pas rire, c'est simple: voir un crytpo débile, mili fana et amateur de peine de mort promu au rang d'héraut de la liberté de pensée, débloque modérément mes zygomatiques. Ne pas pleurer, itou, ouvrons les pages "International" de nos gazettes et raison gardons. Comprendre... Laissez moi cinq minutes, je vais lire l'opus de l'histrion. A y est, debout dans une librairie, d'un derrière distrait mais le cortex en émoi devant la syntaxe molle la disputant aux clichés en pagaille. Enlever 15 pages à un livre, c'est fréquent, quand il en compte 20, c'est pour le moins gênant... Donc, il ne parle pas de le Pen, mais de la "liberté d'expression", car on veut faire taire les mal pensants... "On peut dire vive Trotsky mais pas vive le Pen", voilà l'argument. S'en suivent quelques pages de clichés contredits par la réalité factuelle (les faits intéressent peu Menard) : on ne peut pas dire qu'on préférerait que son enfant ne soit pas homosexuel, par exemple. Cher Bob, je me trompe peut être, mais je ne vois pas de hordes de parents si progressistes qu'ils défilent en hurlant "je préférerais que mes enfants soient homosexuels", de même que je ne vois pas leurs alter ego marcher en scandant "on veut des enfants hétéros". D'abord, on a des principes, après on a des enfants et on s'adapte...
Quoi d'autre ? On ne peut pas avoir un débat sur notre identité nationale, sur la laïcité, sur les religions, sans se faire traiter de facho nous dit Menard. Ha ? Mais depuis 2007 on a eu quoi ? Tous les six mois un nouveau débat.... Personnellement, un débat sur l'identité nationale ne me pose aucun souci.... Dès que la question devient "l'Islam est elle soluble dans la République? "; je trouve cela plus trouble...
Bref, aucun des arguments de Menard ne tient évidemment la route, mais comprendre, cela veut dire aussi comprendre pourquoi l'irrésistible ascension médiatique, toutes les portes ouvertes à ces deux cerveaux si médiocres, Zemmour et Menard (je laisse de côté Philippe Cohen qui vire mal lui aussi, mais au moins, lui a du chou; remarquez c'est encore pire...). Pourquoi donc ?
La question est assez peu agitée. Il est plus aisé de cogner sur les deux médiocres que de leur reconnaître un mérite: penser différemment de la sacro-sainte "pensée unique". Là dessus, deux secondes, la fameuse "pensée unique" qui permet de dire à Marine le Pen, "les français en ont marre de l'UMPS", existe t'elle et si oui, à qui la faute ? Elle existe dans la mesure où sur des thèmes majeurs comme la régulation des fluxs économiques, le partage des richesse, la gouvernance mondiale et aussi et aussi et aussi l'immigration, les différences entre les amis de Jean-François Copé et DSK sont cosmétiques... Au fond, ce qui les différencie, c'est surtout le QI... C'est d'ailleurs d'autant moins excusable, Morano et Lefevbre prennent les décisions stupides que leur intelligence discrète leur indique, Moscovici a les mêmes idées qu'il présente avec plus de retenue, ce n'est guère acceptable. Aussi, si en 2012 ce sont les amis du priape de Washington qui passe, nous en aurons fini des frasques de mauvais goût et des formules à l'emporte pièce sur le besoin de nouveaux Charles Martel, mais nous n'éloignerons pas les Menard/Zemmour. Reconnaissons leur ce mérite: ils poussent comme le chiendent quand la gauche cesse d'être de gauche et déboussole profondément l'homme de la rue...
Demain, promis, vraiment, nous parlerons des candidats diversité qui ont raté l'ENA. Ce qui a d'ailleurs du ravir Menard et Zemmour...
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19/04/2011
L'infarctus du Mytho...
De retour à Paris et dans l'attente impatiente de la sortie du prochain film de Jodie Foster, "le complexe du Castor" (dont j'ai pu voir la bande-annonce, Beauvoir peut dormir tranquille) disons un mot d'un livre qui m'a été conseillé par une lectrice émérite, critique aiguisée des ouvrages de critique, notamment (mais bien plus).
Lire Mythocratie ne met pas nécessairement de bonne humeur. On peut le lire à la suite du Monstre Doux de Rafaele Simone (Gallimard 2010) car le linguiste Yves Citton partage le constat de son homologue italien sur la perte de vitesse du message de gauche dans le monde; mais contrairement à lui, il ne met pas ce déclin sur le dos d'une perte de libido, plutôt sur le compte d'un rapt mythologique, ou plutôt d'une incapacité à se raconter en histoire. Ce qui est plus simple à refonder.
Pourquoi faut-il lire Mythocratie ? Tout bonnement parce que tout le monde, toute la doxa nous serinait qu'il fallait lire Storytelling de Christian Salmon et qu'il en va de la différence entre les deux livres comme entre la Pro A de Basket et la NBA... Les choses sérieuses commencent avec Citton. Celui de Salmon est très sympa, se lit tout seul et nous montre agréablement comment on nous raconte des histoires politiques, d'entreprises, des mythes d'hommes providentiels... Bon, on le ferme sans savoir si on a appris beaucoup de choses, en tout cas rien compris de plus que la liste d'exemples cités et parfois bien épluchés (comme celui d'Apple).
Là ou Citton boxe dans la catégorie supérieure c'est en oubliant les manichéismes et en montrant comment le pouvoir de l'imaginaire, le fameux soft power repose à la fois sur de la manipulation des masses à la le Bon/ Tchakotine, mais aussi et surtout à de la servitude volontaire à la sauce La Boétie. Nous assumons et devenons acteur de ces mythes qui nous rassurent ou nous inquiètent, c'est selon. Dès lors, on comprend mieux le triomphe des mythes du millionnaire de l'Ile de Ré, des assistés et autres images de droite qui ont gagné le combat médiatique.
Mais Citton ne baisse pas les bras face à cela, il prend son Spinoza sous le bras et repart la fleur au fusil à l'assaut de la forteresse des mythes pour y insuffler de la gauchine... Il propose des pistes, hésitantes, forcément hésitantes tant on part de loin. Des exemples de scénarisation par le bas, disséminées, pollenisées et redispatchées, reprenant ainsi les théorisation du modèle économique de google décortiquée avec brio par Yann Moulier Boutang et le très regretté Antoine Rebiscoul. Il le transpose à Wikipédia, sorte de pied de nez aux croyances établies dans le tout marchand. Wikipedia, une force citoyenne, croissante et incassable, même si les imperfections demeurent évidentes, elle ne s'arrête jamais de grandir; une allégorie de la gauche ? J'ai envie de croire à cette histoire là...
Demain, définitivement, on reviendra sur ces 15 "candidats de la diversité" qui ont échoué à l'ENA...
09:39 | Lien permanent | Commentaires (0)
14/04/2011
Comment peut-on encore être libéral aujourd'hui ?
Rentré de New-York ébloui par la ville, je m'offre le luxe de quelques jours de transition semi-laborantine à Nice. L'air méditerrannéen m'inspire des réflexions perplexes sur l'avenir du libéralisme (la lecture de Jacques Généreux aussi...) alors que je reprends la lecture des journaux français, délaissée pendant 15 jours.
J'insiste bien sur "libéral", pas "de droite". Je comprends tout à fait qu'on soit de droite, comme je comprends que l'on aime Enrico Macias ou Jean-Marie Rouart, Alexandre Arcady ou Jeff Koons; c'est une affaire de goût, quoi. En revanche je ne comprends pas qu'il se trouve encore une majorité écrasante de notre classe politique pour être libérale. En France, j'y range évidemment toute la droite donc, mais également leurs alter égo dit "progressistes", en premier lieu desquels, leur deus ex machina priapique, DSK, mais également une large majorité du PS, de Moscovici à Valls; once social-traître, always social-traître...
Comment peut-on être encore libéral et s'exatsier sur la politique de la vitre brisée de NYC qui a mis fin à la délinquance quand on sait qu'elle a surtout consisté à décupler les moyens investis dans les forces de police et repousser tous les délinquants à Newark, transformant cette ville en un dortoir meurtrier ?
Comment peut-on être encore libéral en regardant Fukushima où un argentier grimé en entreprise énergétique, TEPCO, a soigneusement ignoré les mises en garde des instances de surveillance au motif spécieux que la sécurité coûte ? Nous n'irons plus au Sushi bar...
Comment peut-on être encore libéral en constatant avec une chaleur de calculette chromée notre courbe de chômage s'élever invariablement alors que les salaires des dirigeants suivent la même indécente montée pour les faire premier d'Europe ?
Comment peut-on, surtout, être encore libéral, en lisant le reste des journaux: Renault, Médiator de Servier, Carrefour, drame de Villepinte, pas une affaire où, de près ou de loin, messieurs Rawls, Hobbes, Friedman et Hayek ne soient pas coupables...
Alors, comment ? Avançons deux hypothèses.
La première, la plus Mainstream. Par souci de sécurité. Je développe à peine, tant les thèses sur la gouvernance par les peurs et l'ignorance profèrent avec une insistance et un unanimisme quasi suspect. Bon, oui, pourquoi pas, mais j'en ai un peu soupé de celle-là... Je la trouve un peu simpliste. Cela n'explique pas la permanence du libéralisme. Car, certes, les new-yorkais vivent à l'abris comme les neuilléens et les accidents de centrale ne sont pas quotidiens. Mais le vote rationnel de ceux qui sont protégés par le libéralisme ne constituerait pas 10% du corps électoral. Alors ? Alors Madelin et Jean-Marc Sylvestre vous répondront que c'est là la beauté et la puissance du système: donner à chacun envie de s'élever et d'intégrer les 10%, ce qui se transforme en 52% ou 53% dans les urnes... Mouaif...
La seconde, moins exposée mais brillamment défendue par Thomas Philippon dans le capitalisme d'héritier: par intérêt. L'intérêt de la caste dirigeante de défendre ses propres intérêts. Intérêts court termistes peu compatibles avec l'écologie, intérêt de bonus et d'argent facile peu compatible avec la justice sociale et etc ad nauseam... Là, pour le coup, les thèses d'entrisme fonctionnent: les élites sociales se reproduisent de plus en plus et les marginaux bien nés non libéraux sont quantités négligeables (dont le castor, mais mes fréquentations scolaires m'ont rapidement inculquer le sens de la minorité...) et les quelques mal nés réussissant à pénétrer le cercle fermé de l'élite adoptent bien vite les us et coutumes et mode de pensée des libéraux de peur de se déclasser... Et voilà comment le libéralisme s'est constitué une carapace quasi indestructible....
Pour preuve de la résistance des systèmes: toutes les business schools se sont dotés de fillière entrepreunariat responsable, mais elles ne rassemblent à chaque fois que 5% des effectifs. Hier, la première promotion "diversité" de l'ENA, rendait son verdict: 15 candidats modestes présentés, 15 recalés... Rien à ajouter.
Demain, nous reprendrons du dessert puisqu'on est foutus, mangeons trop...
10:25 | Lien permanent | Commentaires (6)