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08/01/2011

Quelques lignes de finesse dans un monde de marge brute...

Larb.jpgNiveau bonnes résolutions éthyliques en ce début d'année je dois pouvoir mieux faire, c'est certain. Pour me coucher plus tôt, me lever plus tard, moins ratiociner sur la République indépassable, caramba encore raté...

En revanche, lassé du flot de bouquins à la con qui sortent, je m'étais promis de m'oxygéner en restant un peu plus au roman et pour éviter les déceptions, autant éviter les attaques ad hominem, mais disons que j'en avais assez des Foenkinos, Rouart et autres romantiques fièvreux au verbe plus sirupeux qu'un truc pour la toux. Dans ces cas-là, j'ai un truc infaillible: piller les bouquins des vieux. J'entends par la mes parents, dont l'un des deux lit ce blog et ne manquera pas de m'insulter et de me menacer de suspension d'héritage si je continue à dire autre chose que "jeune depuis plus longtemps" à la place de "vieux". L'avantage de ceux-là, c'est qu'ils ont tamisé non pas les lumières, mais les étagères; le tamis du temps, s'entend. Celui qui a enlevé toute la drouille.

Amusant, d'ailleurs, de lire "jaune, bleu, blanc" à cette aune. Larbaud, le trop oublié auteur du vice impuni, la lecture et de Fermina Marquez raconte ses vacances avec des demi mondains que son grand sens de l'amitié pousse à grimer en futurs grands écrivains, les égaux de Goethe et autres... Il finiront inconnus au bataillon... Ces écarts de raison mis à part, le livre s'avale sans que l'on y prenne garde. La langue est un peu riche et l'auteur ne rechigne jamais à montrer la supériorité du français de salon sur le français de gare. En Toscane, il n'est pas stupéfait par la pureté de la langue mais abasourdi par cette koiné qui, depuis Dante domine l'Europe des langues. Bon, ces préciosités ne gênent en rien car Larbaud a deux vraies qualités d'écrivains: il aime les livres et en parle bien et idem avec les lieux. Quand il parle de Santa Marghé et Portofino, on le suit pas à pas dans son émerveillement.

Pour le Castor, ce lieu a une résonance particulière. Je m'y suis marié à 19 ans. Pour une semaine. Ma petite amie d'alors avait accepté ma demande genou en terre sur la plage de Santa Margherita où j'avais trouvé une bague dans le sable; j'y avais vu un présage. Habile, j'économisais la cérémonie et le voyage de noces, puisque nous étions rendus et même le divorce puisque l'union ne durait que huit jours. Merci Valéry d'avoir exhumé ce délicieux souvenir.

genere-miniature.aspx.gifJe n'ai pas de souvenir en Essonne, hormis un débat sur l'avenir du travail où j'étais intervenu pour le compte du parti socialiste au désespoir de ma mère qui espère encore me voir m'engager à gauche. 

Des souvenirs des lectures de Jean-Louis Bory, en revanche, je n'en manque pas. Me revient encore en mémoire ma découverte d'un jeune virtuose de 25 ans, moi qui en avais 7 ou 8 de moins; l'auteur du Goncourt 1945, Mon village à l'heure allemande à vous écoeurer de facilité dans le style. A part Benda, une perfection dans le style, une légèreté ironique, j'en vois pas beaucoup pour rivaliser. Enfin, à part Bernard Frank bien évidemment. Mais Bernie il est hors concours...

Après le Goncourt, j'avais lu "miettes, regarder les passants célibataires" d'une drôlerie féroce puis ce très grand livre, de ceux qui vous marque une année, "le pied" resté culte pour de nombreux gays, ce coming out avant que le mot ne soit à la mode. Car Bory, en plus d'être cultivé, puissant, adoré de ses élèves à Henri IV et chéri des auditeurs du Masque et la Plume (en ciné), Jean-Louis était courageux en diable et avait accepté de témoigner à visage découvert sur Antenne 2 pour expliquer que l'homosexualité n'était pas une maladie. Ca n'a l'air de rien, mais il reçu des lettres d'insultes et des menaces, c'était dans les années 70, autant dire hier... Ca faisait trop pour un seul homme et il s'est suicidé en 1979. Quelques mois avant de se supprimer, il nous laissait "un prix d'excellence" que j'ai lu cet après-midi, la larme à l'oeil, tout juste consolé de me dire qu'il me reste "la peau des zèbres" à avaler, mais ça file si vite quand c'est bon à ce point...

Demain, si les enfants s'ennuient toujours le dimanche, moi je me sens d'humeur réjouie par avance...

07/01/2011

Mylène Farmer grande politologue de la jeunesse...

mylene-farmer.jpgPremière semaine de cours achevé et j'en ressors avec une perplexité comparable à celle de l'hétéro beauf devant un gommage argile. 

Ne comptez pas sur moi pour rejoindre les bataillons qui, de Zemmour en Baverez, pestent sur le déclin de notre jeunesse, qui serait inculte, non connaissante et non comprenante, juste amatrice de jeux vidéos débile et de snuff movies...

J'ai toujours accueilli avec circonspection les récits estudiantins d'un âge d'or où ils se vannaient en latin et grec et dès qu'ils avaient un moment de libre, relisaient Ulysse dans le texte (celui de Joyce bien sûr)... Non. Ils sont turbulents, chafouins, avides de vous critiquer, jubilent du mauvais esprit et c'est très bien ainsi.

Un seul point m'a vraiment chagriné: leur nihilisme. Ca m'a frappé comme un direct de Tyson ou un genou d'Erwan Larher, celui là même qui me brisa une côte (faut que je porte plainte auprès de mes parents pour défaut de fabrication...) alors que nous faisions un salutaire exercice de synthèse : une rétro 2010. Essayez chez vous, si vous vous ennuyez. Il faut fermer son ordinateur, réfléchir 10 minutes et lister tout ce qui s'est passé dans l'année puis essayer de relier les événements pour trouver une cohérence.

Premier enseignement: dictature de l'émotion 1 / recul historique 0. Quand nous passions à la France, ils se souvenaient avec une passion qu'on ne trouve plus guère que chez les numismates de tous les faits divers de l'année, mais semblaient plus peiner pour se rappeler que nous avions eu des élections régionales. Alors, je demandais qui était allé voter (pas le bulletin) et comme 1/3 seulement levait la main, je me lançais dans un prêche réac qui me surprenait moi même, arguant qu'en Afghanistan et en Irak, les citoyens sont menacés de morts, font des kilomètres à pied et vont voter à 80%, alors eux, qui ne risquent rien et sont mobiles, ils bougent leurs culs et s'ils pensent que ce sont tous des guignols, ils font comme Apathie: ils votent blanc. 

Malheur à moi. J'ai bien senti que le cynisme débordant qui les anime (festival de boutades sur Hortefeux, l'Erostrate de l'Elysée et tant d'autres, Ségolène aussi) masquait mal un profond désenchantement. Alors que j'avançais ma synthèse 2010 sur la rupture avec les élites, les succès de librairie de Mélenchon, Hirsch ou Pinçot-Charlot, qui tous à leur façon, dénonce les dérives affairistes et moi de faire la très longue litanie des affaires 2010, je me suis pris en retour un très candide mais tellement sincère "mais m'sieur c'est tout le temps comme ça, non ?". Ca m'a mis K.O. 

La semaine prochaine, je reviendrais bardé d'arguments pour leur montrer que même si c'est souvent décevant, ça vaut la peine quand même et qu'on peut contrer le spleen de Mylène Farmer avec l'enthousiasme d'un Jack Lang, cette idole des jeunes...

04/01/2011

Le pessimisme nouvel "isme" indépassable ?

desespoir.jpgPour commencer l'année avec de bonnes résolutions, on aurait pu espérer mieux que cet énième sondage montrant que nous autres français sommes le peuple le plus pessimiste du monde... Si si, loin derrière l'Irak et l'Afghanistan. Il paraît également que notre jeunesse est la plus pessimiste au monde. Nous sommes enfin les principaux consommateurs mondiaux de psychotropes. Nous serions donc le pire royaume du monde, celui où tout est perdu... Pour voyager plus que pas mal, je peux vous assurer que je préfère être français que roumain ou bulgare, mais aussi, pour d'autres raisons, que russes ou letton, et pour encore d'autre raison, anglais ou allemand et américain et ainsi de suite. 

Et j'ai la faiblesse de croire que si ce type de point de vue n'est pas plus communément partagé, ce n'est pas seulement par la faute d'un caractère trop casanier des français. Non non, ils bougent. Nous sommes la première destination touristique au monde, certes, mais nous bougeons aussi. Avec toujours l'émerveillement de Tartarin et d'Homais réunis.

Ecoutez vos amis vous vanter la liberté des américains, leur possibilité d'entreprendre, la coolitude des allemands, la chaleur espagnole, la bouffe italienne et la convivialité brésilienne. Nous voyons sans cesse le vert du pré d'en face pour nous contenter d'observer les brins desséchés de notre herbe à nous. Nos politiques n'ont qu'un mot à la bouche depuis le début de la mondialisation "il faut benchamrker" pour expliquer qu'il faut regarder ce qui se passe ailleurs. Mais pourquoi diantre faudrait-il que cela soit toujours en mieux et nous en mal ? Les autres travaillent 48h par semaine, nous 35, nous sommes dans le faux (en plus, les français bossent plus, en moyenne, que les allemands ou les anglais, mais bon...); les autres prennent la retraite à 67, nous 60 on a tort... Etrange, toutes ces sornettes à sens unique. En outre, j'accepterais qu'il continue à manier l'impérieux besoin de benchmarker quand ils me le conjugueront au passé "quand vous étiez aux affaires, encore eut il fallu que vous benchmarkates".

Je vois donc deux explications à ce putain de pessimisme indépassable. 

1/ http://www.cepremap.ens.fr/depot/opus/OPUS09.pdf Oui, je dois une explication. Ce lien renvoi vers un livre de deux normaliens fort intéressant, la société de défiance. Livre qui montre parfaitement comment une société fondée sur un mythe égalitariste, mais aux mécanismes réellement corporatistes doublé d'un capitalisme d'héritiers, crée de la désespérance. Je me souviens avec amusement d'avoir parlé de ce livre à des responsables d'une fondation politique progressiste qui s'étaient bouché le nez. Surtout, moquer et ne pas voir la réalité. Critique des amis de Rosenvallon derrière, mais passons.

2/ Problème de riche. Si si. Problème de riches, la France, avec notre modèle social généreux, notre tradition d'acceuil, nos mécanismes solidaires, tout ceci sont des outils de riches et nous n'avons qu'une peur, les perdre et basculer dans les conditions de la plèbe.

Il paraît que Tristan Bernard, arrêté par la Gestapo se serait exclamé "nous avons vécu dans la peur, maintenant nous allons vivre dans l'espoir". L'humoriste, l'homme dont l'oeuvre consiste à célébrer la politesse du désespoir, avait fait mouche. Ce n'est que dans la grande difficulté que l'on se remet à espérer. D'où le fait que les irakiens et les afghans nous précédent: quoi de pire que l'ingérence yankee pourrait bien leur tomber sur le coin de la margoulette ?

Et si, de 2011 à 2020, on nous agite sans cesse le spectre d'une potentielle récession, de craintes mondialisantes et autres chiffons rouges déclinistes alors que la réalité nie ce déclin, nous continuerons d'être pessimistes. Or, comme le rappellait Koffi Annan, face aux événements dramatiques, les pessimistes et les optimistes se trompent tous les deux; mais les optimistes vivent plus heureux. C'est pourtant pas bien compliqué...

Demain, je vous dirais dans quel état on termine après huit heures de cours non stop...