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13/06/2022

Jupiter n'est pas républicain, Néron non plus

Je ne sais pas si les macronistes, ivres de rage hier soir de ne plus triompher comme il y a 5 ans, réalisent la gravité de leur stratégie d'entre deux tours... En bon start-uppers, face à un bug, ils pivotent, ils changent de stratégie, ils s'adaptent et ils repartent de l'avant. La version avril 2022 de la Macronie clamait que la gauche avait des valeurs communes avec eux et incarnait la République contre l'extrême-droite. Celle de juin 2022 la transforme en "extrême-gauche" (on parle d'Olivier Faure, quand même...) et appelle à ne pas choisir entre eux et le RN. Cette volte face à 180° aura sans doute un impact sur l'électorat. Mais bien malin qui peut prédire lequel. Il se peut que la consigne soit suivie, avec des désertions des urnes, mais il se peut aussi que nombre d'électeur.ices se disent que ça en est trop et tournent le dos à l'autoproclamé "cercle de la raison". Rendez-vous dimanche soir prochain pour voir les conséquences, l'histoire est à écrire et l'espoir est encore de mise. 

Mais la vie politique française ne s'arrêtera pas lundi en 8. Et donc après ? Reste dans le camp de la République le bloc Macron et LR ? Et c'est tout ? Restent 40% de votants sur 48% des inscrits ? Ça fait plus grand monde dans le camp de la République et ça nous rend bien mûrs pour le fascisme, alors. 

Qui tirera le signal d'alarme parmi les macronistes pour refuser cette stratégie mortifère pour l'avenir de la politique ? Quel.les commentateur.ices recadreront systématiquement la majorité quand ils osent parler "d'extrême gauche" pour évoquer la NUPES ? Au moment de l'accord électoral, les candidat.es d'extrême gauche ont précisément été écarté, pas un membre du NPA, de LO, pas d'anticapitalistes primaires. L'extrême droite, factieuse, violente, raciste, demeure l'extrême droite. Mais la NUPES ? Hier, attendant quelques résultats, j'ai regardé 1/2h du JT de France 3. Les deux journalistes reprenaient tous les éléments de langage de la macronie en répétant en boucle "la police tue, donc vous assumez la mise en cause de l'institution ?". Ça, le burkini et que sais-je, l'éditocratie reprend 3 faits divers et un demi-mot... Ian Brossat de répliquer calmement que "un refus d'obtempérer à débouché sur une mort. On devrait s'arrêter sur les faits avant de penser à la formule". Il n'a pas été suivi par les journalistes, hélas. 

La "République" c'est des hommes soupçonnés de viol joyeusement investis, une barbouzerie folle pour couvrir un fiasco sécuritaire au Stade de France, des conflits d'intérêts comme s'il en pleuvait, merci. Plutôt que de recadrer ses brebis galeuses, de faire le ménages dans ses écuries d'Augias, Jupiter se mue en Néron et lance l'anathème sur "les extrêmes" comme Néron brûla Rome. Avis aux pompier.es de la République, dimanche prochain il faut éteindre ça d'urgence. 

07/06/2022

Performance légale

Après avoir gagné Roland-Garros, Nadal a donc révélé qu'il se faisait faire des infiltrations quotidiennes pour avoir le pied anesthésié. Et c'est passé crème. Personne ne lui a demandé de rendre la coupe, après tout c'est Nadal, le plus grand joueur de tous les temps sur terre, alors un de plus un de moins... Et ce matin nombre de cyclistes râlent parce qu'ils ne peuvent recevoir des infiltrations, ce qui les aiderait bien sur un grand tour quand ils sont tombés la veille et qu'ils souffrent trop le lendemain. Être anesthésié vous aiderait, mais c'est interdit car dopant. Deux poids, deux mesures.

Alors je sais bien que les cyclistes ont d'autres moyens de se doper. Et je sais aussi que Nadal n'a pas gagné Roland Garros uniquement grâce à ses infiltrations. Les joueurs français peuvent en recevoir trois par jour, ils se feraient toujours massacrer par Nadal. Il n'empêche, sans infiltrations Nadal n'aurait pas gagné Roland, il ne serait pas allé en finale ou en demie, mais il aurait abandonné puisqu'il ne pouvait plus poser le pied par terre. On aurait eu un autre vainqueur, c'eut été bien, mais contrairement à la légende, le sport capitaliste n'aime pas la glorieuse incertitude, il aime que les gros gagnent toujours plus, car il est capitaliste avant d'être un spectacle. 

Et en lisant ça, je me dis que le classique de 1991 d'Alain Ehrenberg, "le culte de la performance" reste plus que jamais d'actualité. L'auteur de montrer qu'avec le néolibéralisme naissant, les années 80 ont adulé une performance en toc mais l'ont encensé à grands renforts de médias. Dans le sport, la politique et les affaires, on encensait une performance reposant sur le dopage, la fraude fiscale ou encore les tripatouillages politiques avec les indicateurs comme le PIB visant à faire passé un modèle périmé et écocidaire pour une matrice de progrès... Les 3 fraudes convergeaient toutes avec la personne de Bernard Tapie, fugace ministre de la ville, dopeur en chef de l'OM en foot et d'une équipe cycliste et couleur de boîtes avec des montages fiscaux façon Madoff.

On sait depuis 30 ans que ces performances sont pipeautées, qu'elles n'ont aucun fondement et ne doivent pas servir de base pour notre développement mais on ne les a pas remplacées. Quand Starbucks a commencé à ouvrir ses cafés partout dans le monde avec une distorsion de concurrence fiscale colossale (voir le documentaire d'Arte sur le sujet) les bardes du néolibéralisme ont dit que le succès était dû au goût des cafés (ha ha) à la qualité du service (hu hu) et autres carabistouilles. Interrogé sur le modèle fiscal poussant l'optimisation aux confins de la souplesse, il se contentait d'un "oui mais c'est légal". En clair, ceux qui veulent à tout prix nous mettre en concurrence toujours plus, mais au nom d'une concurrence "libre et non faussée" reconnaissent évidemment qu'il y a des distorsions de concurrence massives, mais qu'elles ne les dérange pas car la justice n'intervient pas. Tu parles d'une morale. 

 

 

04/06/2022

Colère aux urgences, urgence d'une colère

À la fin de sa vie, mon père est allé aux urgences plus souvent qu'à son tour. Pour des vilaines chutes, des pertes de conscience et autres problèmes qui ne laissent pas le choix, ne vous permettent pas d'attendre sagement. D'ailleurs, il y était souvent emmené par une ambulance et pris en charge rapidement. Mais pas toujours, j'ai souvenir d'avoir attendu quelques heures debout, lui assis bien sûr, au milieu d'un chaos d'attente et de soignant.es épuisé.es. Et ceci dans le monde avant Covid qui les a essoré encore plus.

Je n'ai donc pas une passion pour les urgences, ne m'y rends pas "par confort" comme l'expliquent doctement les experts en économie de la santé qui nous expliquent que l'engorgement aux urgences est lié à "de la bobologie". Et si je peux tout à fait me raisonner pour ne pas aller à l'hôpital quand je suis malade, mais les enfants, c'est différent. Ma fille à plus de 3 ans et n'y était allé qu'une fois à quelques mois, pour une otite qui lui faisait souffrir le martyr. Une seule fois.

Hier, elle a eu un pic de fièvre vertigineux en fin d'après-midi et une perte d'énergie folle. Elle tremblait, sa peau marbrait et elle était sans énergie aucune à tel point que je lui répétais "parle moi, j'appelle le docteur". SOS médecins, pas dispo avant 24h, ce qui fait long le SOS. Urgences Médicales de Paris, idem mais à l'écoute du fait que sa peau marbre, me renvoie vers le SAMU. Le SAMU prend note, m'envoie un SMS grâce auquel un médecin la prend en visio. "Si elle est encore comme ça dans 1/4 d'heure, allez aux urgences".  Les tremblements se raréfient, la peau s'éclaircit mais elle est mal mal, j'envoie un SMS à sa pédiatre qui me rappelle dans la foulée, un vendredi à 19h30 en s'excusant de ne pas être au cabinet. Elle est tout sauf bilieuse, mais me confirme "c'est probablement un virus, mais allez aux urgences, tant pis".

Puisqu'il n'y pas d'alternative, je me résigne à y aller. Elle dort bouillante dans le taxi, je me dis que je fais bien. L'infirmière qui nous prend vite en charge est compréhensive, mais voilà que ma fille retrouve un peu de vivacité et d'appétit. Le médecin, lui, n'a pas cette compréhension. Je vois à son regard noir comme un black-out qu'il m'accuse d'avoir cédé à la panique, je lui explique que le SAMU m'a dit de venir "c'est normal, ils paniquent dès qu'ils entendent pédiatrie". Trente secondes après, le verdict tombe "angine virale, rien d'autre que du Doliprane. Bonne soirée". J'ai pris une place inutile aux urgences, fait attendre encore un peu d'autres plus amoché.es, épuisé un peu plus des soignant.es déjà éreinté. En rentrant, pour ne pas me laisser avec trop de mauvaise conscience, ma fille a repeint mes fringues de vomi. Que j'ai l'impression d'avoir vécu un truc, quand même.

Paris a le record de densité médicale, de moyens financiers avec des centres médicaux, des hôpitaux, des maternités, dieu sait que nous ne sommes pas à plaindre. Et pourtant, aucun des systèmes d'urgences pour les plus fragiles n'a pu venir à domicile, me forçant à aller encombrer notre Sisyphe à jamais malheureux, les urgences. Je n'ose penser à la banalité de ce que j'ai fait hier pour celles et ceux qui vivent à 20 bornes de Brest, de Pontault Combault ou de Sarlat. Les Urgences sont sans doute le premier réflexe, puisqu'il n'y pas d'alternative après 30 ans de politiques de TINA. 

Ce matin, je ne décolère pas et je ne comprends pas que près de 70% de français aient choisi des candidat.es proposant moins de service public, au premier tour de la présidentielle. Combien d'urgences chargées comme un péage un week-end de grandes vacances leur faudra-t-il ? Combien de job dating immondes à Versailles à Amiens pour recruter des profs parmi les recalé.es des concours, des déprimé.es ou lassé.es de leurs boulots avec des contrats précaires ou sous-payés qui auront la même charge de boulot que les autres profs ? Comme si prof n'était pas un métier, qu'on ne se formait pas tout au long de sa vie. Quelle expression de mépris pour ceux qui, naguère, occupaient "le plus beau métier du monde", renvoyé.es au rang de boulot à portée de tous, "puisque tous les parents l'ont fait pendant le Covid". Mais qui sont-ils, ces 70% qui votent pour des hôpitaux plus surchargées, des classes avec des titulaires de BAFA et des tribunaux où les prochaines audiences disponibles sont après les JO de Paris ? 

Je sais que l'antimétabole est une figure de style facile, mais il faut remplacer les colères aux urgences par une urgence de la colère et ça tombe bien, on peut l'exprimer dans les urnes dimanche prochain. Le seul bulletin pour plus de service public, c'est la NUPES.