Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/04/2022

Aimons-nous assez la démocratie ?

Outre une lutte élémentaire contre la barbarie, la guerre d'Ukraine est fondamentalement un conflit pour la démocratie contre une annexion par une puissance dictatoriale. Et l'unanimité hexagonale à défendre la démocratie me fait sourire jaune après un quinquennat où elle a été abîmée comme jamais. 

On ne peut évidemment résumer la démocratie à la tenue d'élections libres et non faussées, sans pression sur les électeur.ices le jour du vote. Cette condition sine qua non est toujours mise en avant par les gouvernants, mais elle est évidemment insuffisante. Une démocratie robuste a des contre pouvoirs, une justice indépendante, un pluralisme médiatique, une liberté de manifester absolue, des corps intermédiaires respectés et consultés pour éviter que la démocratie ne repose toute entière sur les résultats électoraux...

Les régimes dits "illibéraux" ont une pluralité de partis et des élections non sanctionnées. L'abstention y est très forte, le pluralisme médiatique interdit, les manifestations hyper encadrées, et les populistes autocrates repassent encore et toujours comme Orban. 

La chose nous pend au nez avec une possible élection de Marine le Pen qui, à n'en pas douter, mettrait au pas le service public de l'information, réprimerait les manifs d'opposants, couperait les moyens aux associations critiques. Cette menace est là, imminente et pourtant elle ne cesse de monter dans toutes les enquêtes d'opinions. Sa victoire était impossible il y a un mois, elle est désormais plausible et il reste quinze jours. 

Cette équation honteuse est fort logique. Sous Macron, la liberté de la presse a dégringolé (nous sommes au 33ème rang RSF, notre pire classement et une honte), les morts de la police explosé, notre répression en manif fait l'objet de condamnations du Conseil de l'Europe et nos corps intermédiaires, syndicats, ONG, agences, sont piétinées. Les quelques tentatives d'écouter des assemblées citoyennes ont été vidées de leur sens et de leur substance (grand débat, convention citoyenne).... En somme, ce quinquennat a apporté la preuve la plus éclatante que la démocratie robuste n'apportait rien de mieux et qu'un despote éclairé et élu selon les codes suffisait. Notre démocratie a été abîmée et nous ne l'avons pas assez défendu. On a mille raisons pour cela, le Covid en premier lieu qui ne facilitait pas les rencontres, mais les attaques avaient commencé avant avec Nuit Debout réprimée par les flics et leur sacro saint état d'urgence. Là aussi, la réprobation était feutré. On aimait l'ordre, pour peu qu'on le trouve légitime.  A force de pousser le curseur sans réagir, il n'y a plus rien qui nous retient. Aujourd'hui Marine le Pen a dit qu'elle Présidente, elle supprimerait le voile de l'espace public, s'asseyant sur les conventions européennes. Cette attaque contre l'état de droit ne fait pas la Une, n'est pas l'alpha et l'omega de la dernière ligne droite. Elle est une candidate comme une les autres, puisque nous limitons la démocratie a des élections libres et non faussées. Je nous trouve tout de même drôlement confiant dans la capacité d'un funambule ivre mort à ne jamais tomber... 

04/04/2022

Extrême, au singulier

Depuis 2017, la Macronie est glacée d'effroi par une recomposition de la gauche sur une ligne réellement de gauche. L'idée que la ligne molle, la ligne centro-compatible, puisse ne pas être l'avenir de leurs opposants, les effraye. Forcément, la gauche de loin a tellement voté Macron en 2017, qu'une recomposition voisine, sur une ligne tiède, ne prendra jamais d'ampleur et les laisse tranquilles. En revanche, si la refondation se fait sur une ligne différente, elle a un boulevard pour elle et peut taquiner LREM. Et c'est ce qui se passe, dans les faits... Les inégalités ont tellement explosé, le nombre de nouveaux pauvres et de précaires tellement augmenté, l'uberisation du monde du travail s'est tant accéléré, que la demande de radicalité est montée de plusieurs crans. Impensable pour LREM qui dit incarner à la fois la gauche et la droite d'avoir un tel opposant, d'où l'astuce sémantique toute trouvée : qualifier la France Insoumise "d'extrême" gauche.

La blague a commencé lors des gilets jaunes. Alors, la communication du gouvernement, de Castaner (ministre de l'intérieur, alors) à Attal en passant par Collomb était de délégitimer un mouvement "qui rassemble les extrêmes". Il était aidé en cela par Marine le Pen elle même, qui réfutait la violence d'ultra droite du mouvement en ciblant "les blacks blocks et autres militants d'ultra gauche", ainsi que "les anti fa, qui sont fascistes". Et le tour était joué. Depuis lors, quatre ans de fake news en boucle ont fini par faire croire que la candidature de Mélenchon serait "extrême" vocable toujours très disqualifiant et inquiétant dans la dernière ligne droite, avant l'isoloir. La violence lors des manifs contre les retraites ? L'extrême gauche. Les débordements lors des manifs anti pass ? L'ultra gauche. Chaque fois, la classe politique de droite condamne, et les commentateurs somment Ruffin, Quatenens et toustes les député.es Insoumis.es de dire ce qu'ils pensent des blacks blocks, des vitrines cassées et ad nauseam. Les mêmes n'ont toujours posé aucune question à Marine le Pen sur l'assassinat de Martin Aramburu, par Loïk Le Priol, dont l'adhésion aux thèses du RN est documentée, quand on n'a jamais vu le moindre black block à une Université Populaire... 

L'extrême-gauche existe, bien sûr. Elle a deux candidat.es, Poutou et Arthaud qui tous deux disent que cette élection est une mascarade. Leurs programmes sont d'extrême-gauche, on y retrouve l'interdiction des licenciements, la réquisition des sites de production, la confiscation de biens, des nationalisations en pagaille. L'extrême gauche, quoi. Le programme de l'Union Populaire est de gauche classique, on ne peut plus classique, pour ne pas dire soc-dem. Quand ils prennent tout au dessus de 12 Millions d'euros pour l'héritage, ça laisse 12 millions, 8 fois plus que le seuil de l'ISF... J'ai connu des goulags plus mal tenus. Idem pour les écarts de salaire, de 1 à 20, c'est pas précisément les demandes de SUD. Que la macronie apeurée, en PLS idéologique, attise la peur du rouge, c'est son rôle. Que nombre de commentateur.ices et d'acteur.ices politiques relayent de telles inepties, c'est navrant. 

 

 

 

 

 

02/04/2022

Macron, la politique à hauteur d'enfant

Ma fille a 3 ans et, ces derniers temps, elle continue à faire des choses qu'elle sait défendues - comme sauter sur le canapé - en me toisant avec un air de défi. Elle teste les limites de la patience parentale, des règles, de la nature aussi. Les parents gronderont-ils ? La gravité l'emportera-t-elle ? N'ayant pas encore été exposé avec certitude à ces grandes vérités, je trouve assez légitime et normal qu'elle teste. 

Ce qui me chagrine plus, c'est qu'Emmanuel Macron emploie exactement la même attitude dans la dernière ligne droite de la présidentielle pour voir si le barrage républicain magique fonctionnera encore pour le réélire. Comme un enfant roi, il jubile d'avoir réussi en 5 ans le grand Badaboum qu'il a entamé en 2017 : écrouler le PS et LR. Le PS est tombé en 2017 et 2022 devrait annoncer sa mort clinique avec un score sous les 2%. L'histoire s'accélérant, LR ne devrait pas se relever de la candidature Pécresse, a fortiori si elle finit sous les 10%. S'il gagne, Macron finira le boulot en la nommant 1er ministre ou à un poste important et attrapera les barons LR compatibles pour les faire entrer au gouvernement. Les Wauquiez, Ciotti et autres s'engouffreront dans la nouvelle "union des droites" qui sera en réalité union des ultra droites. S'il gagne, il pourra se vanter d'avoir fait ça. Je ne suis pas persuadé que la vie politique en sorte grandie, mais tout le monde en avait tellement marre de ces deux astres qui tardaient à mourir, qu'on lui pardonnera de les avoir euthanasié plutôt que de pratiquer l'acharnement thérapeutique. 

Tautologie oblige, il faut d'abord gagner et donc rassembler. En 2017, Macron faisait au moins semblant de tendre la main. CP dédoublés, remboursement des soins dentaires et ophtalmos, il y avait un vernis social. Il y avait aussi une ouverture à la diversité, un discours laïque apaisé. On était loin de l'équilibre, avec en face la volonté de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires pour plaire aux très importantes remises fiscales aux plus riches. Dès l'élection, les premières décisions concrètes mirent fin à la mystification : Macron n'était ni de gauche ni de gauche. En plus de la fin de l'ISF et la mise en place de la flat tax annoncées, il coupait du jour au lendemain plus de 200 000 contrats aidés, rognait sur les APL et tutti quanti...

La suite du quinquennat fut une voiture embarquée en pilote automatique avec un GPS bloquée sur une consigne "prochaine mesure, prenez à droite". Des mesures sécuritaires votées par 100% des députés RN, des attaques aux manifestants, aux journalistes, des textes sociaux (retraites et assurance chômage) beaucoup plus durs qu'annoncés en 2017... Après cinq ans, celui qui s'était donné comme mission de faire redescendre l'extrême droite l'a fait monter comme personne. Depuis six mois, les voix de Le Pen et Zemmour réunies dépassent systématiquement les 30%, un sommet inédit, et de très loin. Son bilan est la preuve par l'exemple que les français préfèrent toujours l'original à la copie. Malgré des propos racistes réitérés, malgré un blanc seing accordé aux violences policières, nombre de factieux demandent beaucoup plus, exigent des déportations par charters et la libertés pour les flics de se comporter comme des cow boys... Macron le voit et il rigole.

La séquence Mc Kinsey a accéléré la rapide chute dans les sondages de ces dernières semaines. Alors qu'il a besoin de rassembler comme jamais et donc de tendre la main aux modérés pour éviter qu'ils ne s'abstiennent, il en remet une couche. Travail forcé pour les allocataires du RSA, une revendication historique de la droite la plus dure. Retraite à 65 ans, du Fillon dans le texte. Macron l'enfant roi sautille comme un fou sur le canapé pour voir qui l'arrêtera. Cet après midi, lors de son meeting, il a rasé gratis, promis des primes jusqu'à 6 000 euros aux salariés bien insérés, prime que n'auront évidemment pas les 5 millions de fonctionnaires, pour bien accentuer le clivage... Il a aussi promis de prolonger l'égalité femme / homme comme grande cause et il a raison, autant continuer à se glorifier de ne rien faire.

Emblème des modérés, de la raison, du barrage contre l'extrême-droite sans qui il ne peut l'emporter : les profs. En 2017, ils sont 40% à avoir voté pour lui. Après 5 ans de Blanquer, de mépris, de contrôle, de gel polaire des salaires, d'obsession folle sur la laïcité et de paranoïa contre le "wokisme" de chute historique du nombre de candidat.es aux concours et hausse tout aussi historique de démissions, le vent du boulet est là. Idem dans le supérieur, où la ministre Vidal a valsé entre incompétence, mépris et franchissement de la ligne rouge avec ouverture d'une enquête sur les islamo-gauchistes. En 2022, être prof et vouloir voter Macron, c'est vraiment être un crocodile désireux d'entrer dans un atelier de maroquinerie. Et Macron regarde les profs ensanglantés et leur déverse de l'essence : paie au mérite, critiques répétées sur leur niveau d'engagement....  Macron tente le salto arrière sur le canapé. S'il se loupe ça va faire très mal, mais il ne pourra pas dire qu'on ne l'a pas prévenu.