Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/03/2022

Plus de mots

Il y a deux ans tout juste, Macron déclarait une guerre qui n'en n'était pas une contre un virus qui a envahi la planète entière. Alors qu'on sort des tracas qu'il nous a causé, on prierait pour qu'une sixième vague surpuissante ensevelisse les soldats russes. Là-bas, Poutine nie le terme de "guerre". Il dit qu'il y a une "opération spéciale", un "plan", une "invasion ciblée" et autres entourloupes sémantiques pour ne pas dire ce qui est. Ce que tout le monde voit, sauf les syriens et les nord coréens, coupés du monde par les dictateurs qui les asservissent. Les russes parlent de "guerre", eux. Ils sont vents debout contre cette guerre qui n'est pas la leur, qu'ils ne veulent pas. Depuis 8 jours, on ne compte plus les exemples de démissions, de mise en retraits, de pétitions, d'artistes et de scientifiques (7 000 hier...) contestant cette guerre au péril de leurs carrières, de leur santé, de leur famille. Le courage qu'il faut pour s'opposer à un autocrate comme Poutine est quelque chose que nous ne pouvons imaginer, nous qui vivons dans un pays où notre président est insulté et contesté quotidiennement. 

Cette étrange guerre où un pays seul en envahit un autre malgré l'opposition de la planète quasi entière ne fait que monter en intensité avec cette nuit un bombardement de centrale nucléaire. L'incendie a duré peu de temps, les endroits les plus critiques de la centrale n'étaient pas visés par des armes ultra précises. Les russes savaient ce qu'il faisaient : non pas jouer à la roulette avec l'humanité, mais monter de mille crans dans la menace de vitrification de millions de personnes si on le les laisse pas s'emparer de l'Ukraine entière. En 38, à Munich, il y a évidemment une forme de lâcheté à ne pas combattre Hitler, mais là ? Quel courage y-a-t'il à bomber le torse face à un forcené ? Quand Le Maire a parlé de "guerre" et Ursula Von der Leyen (ceci pour clore l'argument de "les femmes sauveraient forcément le monde", certes les belligérants sont souvent masculins, mais la féminité n'est pas un pacifisme indépassable) de "guerre nucléaire économique" c'est vraiment l'intelligence tactique du gros sel sur la plaie à vif... 

Cette guerre d'Ukraine rappelle tant d'autres guerres récentes, à commencer par la Syrie, évidemment, puisqu'on retrouve Poutine et les armes russes, on retrouve des réfugiés par millions et des civils pris pour cible. On retrouve aussi l'imagerie de Tienanmen avec des civils au courage hors norme faisant face à des chars pour les empêcher d'avancer. Malgré tout, cette guerre, par la menace de fin du monde qu'elle fait planer ne ressemble à aucune autre. Je n'étais pas né, lors de la baie des cochons, mais Krouchtchev et Kennedy étaient rationnels. Poutine ne l'est pas. Sans rationalité, on ne peut plus mettre de mots sur ce qui se passe. 

Le matin, la radio s'est tue chez moi. Je ne veux pas que ma fille écoute ces mots-là. Mes levers sont en chanson, avec le bon roi Dagobert en boucle. Par les temps qui courent, convenez que mettre sa culotte à l'envers est un moindre mal. 

26/02/2022

Ne pas ajouter l'indécence aux cadavres

"La première victime d'une guerre c'est la vérité", citation prêtée à Rudyard Kipling, mais il serait bien ironique que ça soit vrai. La seconde, c'est la décence. Les autres, qui se comptent déjà par centaines qui risquent de se transformer en milliers, sont anonymes. Des enfants, des femmes, des hommes non militaires et des soldats, aussi qui tombent sous les balles envoyées sur ordre d'un autocrate fou, ce qui n'est pas nécessairement un pléonasme...  

Face aux photos et aux vidéos que l'on reçoit par centaines, de la part de civils directement, il n'y a pas grand chose à faire, fors pleurer. Contrairement à la dernière guerre à nos portes, dans les Balkans, les images que l'on reçoit ne sont pas juste celles des médias, mais de citoyen.nes montrant des rues éventrées, des abris anti-bombes, des scènes de guerre. En voyant ça, qui peut vouloir autre chose qu'un cessez le feu ? Qui irait se battre et qui justifierait l'agression poutinienne (par respect des milliers de manifestant.es qui risquent l'emprisonnement pour ce seul acte, on ne peut parler de "russes") en France ? Évidemment, personne. La décence la plus élémentaire voudrait que les deux seules actions possibles soient de manifester son soutien au peuple ukrainien, puisque nous ne sommes pas entravés, nous, ou de soutenir l'action diplomatique de l'exécutif. C'est sans doute ce qui se passerait si aucune élection n'était en ligne de mire. 

Mais comme c'est le cas, le concours de récup à tous les étages bat des records et j'en suis un peu halluciné. Des critiques faciles contre l'exécutif, d'abord. Sans doute s'est-il hâté de dire qu'il allait restaurer la paix, a t'il été bravache, fanfaron et mégalo. Fidèle à lui même en somme. Mais qui peut sincèrement penser qu'il n'as pas tout essayé pour qu'il n'y ait pas de guerre ? Mais surtout, surtout, des critiques entre personnalités de gauche. Et vu de l'extérieur, on valse entre rire nerveux et dégoût. On parle de myrmidons politiques qui s'affrontent entre eux pour espérer prendre le commandement de l'escouade des largués. Quel intérêt d'afficher des divisions au grand jour ? On m'a ajouté sur un fil Whatsapp où échangent 300 "personnalités" de gauche, anciens ministres, élu.es et quelques sympathisants comme moi qui regardaient, hier, les insultes fuser. La violence des échanges atteignaient l'empyrée quand nombre de personnalités sociales-démocrates se permettaient de juger de la sincérité d'élu.es Insoumis qui s'étaient rendu.es à la Manif de République. Les bras vous en tombent... 

Les seules critiques vraiment audibles, logiques et sensées concernent Zemmour qui a à maintes reprises fait un panégyrique de Poutine et de sa puissance, et Fillon qui empoche ses dollars pour débiter les éléments de langage du Kremlin. Honte à eux, mais hormis cela, silence par pitié. Il y a mille sujets sur lesquels se déchirer entre camarades, mais tenter de se refaire un lustre politique sur les cadavres des civils ukrainiens aurait mérité hier le César du mauvais scénario.  

22/02/2022

Et la morale, bordel ?

Le fait que les révélations de Mediapart sur Roussel soient d'ores et déjà un non événement de campagne a quelque chose de désespérant. Pour le débat public, qui s'habitue trop à ces affaires ; pour la campagne présidentielle, puisqu'on considère qu'un candidat sous les 10% a une immunité sondagière ; pour nombre de militants de gauche, qui refusent d'y voir un mal à cause de l'identité du coupable.

Fabien is not the new Penelope. Les différences entre l'affaire Fillon et Roussel sont de taille. Fillon a fait perdurer un système pendant 25 ans pour 1 millions d'euros détournée et sa femme n'a effectivement rien fait pendant 25 ans. Roussel a touché de l'argent pendant cinq ans seulement et il a bossé et sans doute beaucoup. Il a "juste" touché de l'argent d'un député quand il bossait pour le parti. Bon.

Il suffit d'écouter Fabien Roussel se défendre comme un lion sur le sujet. Il est, sincèrement, convaincu de n'avoir rien fait de mal, puisqu'il bossait. Comme dans la chanson, il a encore rêvé de son job et il en a rêvé si fort "que ses pneus s'en souviennent". Coquin ! 

Roussel ne voit pas le mal car tout le monde faisait ça. Ce qui lui est reproché, c'est peu ou prou ce pourquoi le FN et le Modem étaient emmerdés, sauf qu'eux c'était le Parlement Européen et pas l'Assemblée, mais au fond ce que ça soulève, c'est le financement de la vie publique. Roussel estime, comme beaucoup, que la vie publique est sous-financée et qu'au fond, peu importe d'où viennent les fonds... Et ce cynisme abîme, abîme terriblement une démocratie qui n'a pas besoin de ça. Dans "On a les politiques qu'on mérite", Chloé Morin estime que le débat public est de plus en plus violent, chronophage, avec un goût de la transparence de plus en plus prononcé et que cela a une influence délétère sur celles et ceux qui aspirent encore à être élu.es : ne restent que "les pur.es et les pourri.es". Soit les illuminé.es de la chose publique, soit les revenus de tout. Et elle n'a pas tort... Pris la main dans le sac de ne pas appartenir à la première catégorie, la dénégation énergique de Roussel l'amène, hélas, vers la seconde. La moraline est sans doute un poison, mais la morale reste le meilleur antidote à l'empoisonnement du climat actuel.